Je me suis livré, ce jour, à un petit exercice fort divertissant: j’ai lancé une requête bien précise sur un moteur de recherche bien précis, cherchant ainsi à percer l’un des plus grand mystères de la Création depuis que Moïse gravit le Mont Sinaï: les Ebooks de voyage.
La demande que j’ai formulé sur Google est des plus simple: guide ebook comment voyager.
Rien de plus, rien de moins.
(A ce stade, vous êtes tout à fait en droit de me dire que cette recherche n’est pas anodine ni innocente: j’en suis tout à fait conscient.)
Le résultat a dépassé toutes mes espérances avec un chiffre impressionnant de 7 850 000 sites .
J’ai navigué sur les vingt premières pages fournies puis, las, j’ai abandonné tout en prenant conscience de quelque chose de bien particulier: jamais je ne me lancerais dans cet exercice.
Au commencement
Je présume, sans certitudes aucunes, que l’écriture d’un livre est le fantasme inassouvi d’un grand nombre d’entre nous.
Qui n’a donc jamais rêvé de lire son nom gravé en lettres d’or sur le fronton chryséléphantique d’un temple élevé à la gloire de l’oeuvre, de voir ses efforts récompensés, d’apparaitre dans un catalogue de librairie ? Je suis le premier à espérer connaitre une telle chose un jour et je ne me cache pas que c’est l’un des objectifs majeurs de mon existence ici bas.
Cependant, loin s’en faut que ces espérances soient le motif premier de la conception puis de la publication d’un Ibouk. J’ai tendance à penser, en effet, que les motivations sont plus prosaïques, vénales, terre à terre: l’appât du gain, du flouze, du blé, de la maille, de la thune.
En effet, écrire, c’est se faire un nom, c’est produire un contenu qualitatif répondant probablement à un besoin quantifié. C’est aussi s’offrir une toute petite place quelque part et attendre, qu’éventuellement, quelqu’un passe par là, remarque le produit et lance pour de bon la machinerie amenant à ce que j’ai décrit plus haut.
Recherche de la gloire, motivation purement fiduciaire: toutes les raisons sont en fait sont quelque part légitimes et dignes d’intérêt.
De quoi qu’on cause au fait ?
Vouloir quelque chose, c’est bien.
Le faire, c’est encore mieux.
La logique demande donc qu’un ebook, s’il veut rencontrer le succès qui lui est promis, soit le plus directement possible lié au secteur du blog qui l’héberge. Donc, pour simplifier, un auteur de voyage écrivant sur un blog voyage écrira un ebook de voyage.
Là où le bat blesse douloureusement, c’est que les thématiques disponibles se comptent sur les doigts d’un manchot ambidextre:
– Comment bien voyager ?
– Comment ne rien dépenser en voyage ?
– Tous mes trucs et conseils pour préparer votre voyage ?
Le plus fort, c’est que ces trois thèmes sont réutilisables, mixables et interchangeables à l’infini, pour arriver à des combinaisons aussi fabuleuses que farfelues:
– Comment bien voyager en dépensant rien ?
– Comment préparer gratuitement votre voyage qui ne coûtera rien ?
– Comment ne rien dépenser vous fera bien voyager ?
Je suis certes terriblement ironique en écrivant ceci. Mais faites donc la requête citée plus haut et analysez de par vous-même ce que voyez apparaitre: votre silence en sera éloquent (aussi paradoxal cela soit-il).
Mais tu es qui toi, pour me dire comment voyager ?
Souvent, dans les profondeurs inexplorés du web, je croise des OBNI (Objets Blogguant Non Identifiés) faits des pages copiées les unes sur les autres à partir du même modèle, utilisant encore et encore le même template et proposant, ô stupeur ! – un ebook.
Quand je clique, noircissant ainsi mon âme, sur les liens, je me retrouve une fois de plus devant l’éternel et identique plugin , avec ses polices, ses pop-up et toute la saloperie récurrente, affichant les mêmes sempiternels thèmes évoqués dans la partie précédente.
Alors, forcément, naïf et crédule, je m’interroge.
Qu’ont donc fait ces gens pour offrir sciemment tant de savoir ?
Qui sont-ils, ces explorateurs de l’inconnu qui m’offrent les fruits de leur expérience accumulée au long de cent et une vie, au long de milliers de voyages ?
Comment est-ce que René, 19 ans et demi, partant dans 7 mois, peut m’apprendre à voyager autour de 97 pays à raison de 50 centimes par jour ?
La réponse est claire comme de la pisse de mouton: Bullshit. Conneries. Foutage de gueule. Escroquerie.
Étrange, ce sentiment de déjà lu.
Voyager n’est pas une mode neuve née au vingtième siècle. Sa conception a pu évoluer, changer, il n’en reste pas moins que ce sont les mêmes recettes, éculées, effilochées jusqu’à la corde et transparentes à force d’être repompées qui circulent d’un bouquin à un autre: d’où mon titre de P2p.
Une idée apparait. Elle est diffusée, transmise, colportée sans aucun contrôle et on se retrouve, au final, avec une Master Piece originale de qualité gangrénée par des fichiers vérolés.
Le plus facile pour produire est d’aller droit au but: méthode KISSS (Keep It Simple, Short and Stupid), formalisation systématique de l’évidence ou encore vulgaire et simpliste copiés-collés: vous trouverez quasiment toujours les mêmes conseils partout, engoncés sous des paraphrases maladroites, sous des périphrases trompeuses, sous une couverture de bonne foi.
Orgueil et préjugés
Je sais pertinemment que la critique est l’art le plus facile qui soit et que ce papier ne sera surement qu’un enième coup d’épée dans l’eau. Je n’espère pas changer la face des blogs ni me positionner comme une quelconque référence en terme d’AlterBloggueur.
Je souhaite, en écrivant ici, faire partager ce sentiment de ras-le-bol qui m’étreint quand ma navigation est perturbée par des annonces aussi lascives qu’odieuses, vantant à tire larigot, again and again, the same bloody fuckin’ dreams.
Quelque part, je me sens même vexé dans mon orgueil quand on me sous entend clairement que ma façon de faire n’est pas la bonne, que je suis le mauvais chemin depuis le début et que ma carrière est vouée à un éternel échec si je ne remets pas en cause TOUTE ma conception, mes valeurs, mes idées en lisant as soon as possible le derniers opus disponible chez Cémoikalaplusgrosse.com.
Je n’ai jamais lu à ce jour un seul ebook de voyage parmi tout ceux que la Toile propose.
Je ne veux pas être enseigné, instruit, assagi.
Je suis vierge, pur, innocent, orgueilleux et plein de préjugés.
Et j’entends bien rester longtemps ainsi !