Vivre en 2050

Pour ce nouvel épisode des voyages vers 2050, je vous propose une interview d’une individu lambda, née aux alentours du premier quart du siècle. Entre possibilités réelles et utopies absolues, que nous réserve donc le monde d’après-demain ?

Vivre en 2050 : une interview.

– Bonjour à vous et merci d’être venue témoigner dans notre émission « Les enfants du siècle ». Pouvez-vous vous présenter ?

 Je m’appelle Léa, j’ai 25 ans et je suis née à Paris, au cœur des « années noires » comme cette période est désormais surnommée et connue par ma génération.

– J’en déduis donc que vous êtes né( e) aux alentours de 2025 ? Pour ceux d’entre nous qui sont peu au fait du sens de ce surnom, pourriez-vous nous expliquer, avec vos mots et votre ressenti, pourquoi ces années furent « noires » ?

– Bien sur ! Je ne sais pas si vous vous rappelez clairement le contexte de cette époque mais c’était… Heu… juste fou. Tous les signaux climatiques étaient au rouge, le réchauffement climatique était prévu, planifié et expliqué depuis belle lurette mais rien, strictement rien ne changeait. Les réunions pleines de belles promesses se succédaient les unes aux autres sans aucun effet, les gouvernements continuaient à projeter de grandes mesures qui n’étaient que paroles dans le vent (les fameux COP-1 d’abord). Bref, les gens souffraient, la Terre souffrait et la fin réelle du « monde civilisé » est devenue une option non plus utopique mais bel et bien envisagée par le plus grand nombre. C’est d’ailleurs à ce moment que le tourisme climatique (les recherches de zone fraîches) a connu son essor, alors que se succédaient hivers glaciaux et étés caniculaires.

– C’est alors qu’est apparu le mouvement mondial spontané de soulèvement populaire né autour d’une égérie pour le moins inattendue : Greta Thunberg,  égérie qui a d’ailleurs réellement changé la société et notre façon de vivre.

Tout à fait. D’ailleurs, en lisant les archives de cette époque, la première chose qui saute aux yeux est que personne – ou presque – parmi les gens au pouvoir, n’a pris conscience de ce qui se créait autour d’elle. Elle a réussi un véritable exploit en propageant son mouvement de protestation non-violente, en incarnant avec simplicité, modestie et humilité ce que voulait sa génération. Elle a réussi à fédérer les masses autour d’elle, des masses qui arrivaient en âge de voter et c’est ce qui a lui a donné la possibilité d’accéder au pouvoir, d’endosser de réelles responsabilités et de mettre en pratique son programme.

Cette élection a la tête de la Suède a d’ailleurs eu un certain effet boule de neige puisque presque toute l’Europe s’est retrouvée par la suite avec de nouveaux dirigeants, élus par la jeunesse, sans aucune attache ni passé politique…

 Exactement ! Le ras-le-bol des peuples avait atteint un point de non-retour absolu et ces élections étaient la seule chance qu’avait notre génération de s’exprimer. Ils ont su se battre, faire corps avec le système et l’utiliser pour atteindre le but visé. Comme bien souvent, il a fallu que cela débute quelque part et la Suède qui a été l’élément déclencheur. Le reste s’est fait presque naturellement, avec la majorité au Parlement européen de Strasbourg en point d’orgue. Si la classe politique des anciens et nouveaux monde était restée au pouvoir, nous ne serions probablement plus là pour discuter aujourd’hui.

– Le reste de l’Histoire, tout le monde le connait aujourd’hui mais peut-être est-ce l’occasion de revenir sur quelques unes des réformes les plus emblématiques de ces dernières années, celles que l’on pensait simplement impossibles à mettre en place…

Pour paraphraser un penseur du XXième siècle, je dirais qu’ils ne savaient pas que c’était impossible et qu’ils l’ont donc fait. En réalité, tout est une question de volonté, de choix et de moyens, en gardant en tête deux lignes directrices intouchables : la sauvegarde de la planète et la réparation des dégâts, par et pour les nouvelles générations. Bien sur, cela n’a pas été facile mais il était question, purement et simplement, de survie de l’espèce. D’ailleurs, nombreux étaient celles et ceux qui pensaient qu’arrêter la reproduction et ne plus faire d’enfants étaient la solution la plus viable, la plus simple et la plus sensée. Il faut reconnaître que grandir dans un tel monde n’est pas forcément un cadeau mais nous faisons de notre mieux pour changer cela.

– La première et surement la plus impopulaire des réformes mises en place a été la réduction drastique des vols…

Absolument. Ce fut une décision courageuse et nécessaire. Au départ, l’idée était de supprimer purement et simplement tous les vols. Cependant, afin de faciliter le changement, un compromis a été trouvé avec la création du Crédit Voyage : un nombre de kilomètres alloué chaque année à chaque citoyen, fixe et pondéré par de nombreux paramètre, couplé avec l’interdiction totale des vols nationaux. En obligeant les gens à choisir précisément sur quelle destination et quelle période utiliser leur crédit, le voyage international a regagné, en quelque sorte, son statut exceptionnel et est source d’excitation, de joies et d’attentes. Saviez-vous que vers 2020, il arrivait qu’il soit moins cher de partir en week-end à l’autre bout du monde qu’à côté de chez soi ? En privilégiant l’argent à l’humain et en détournant les gens du train, les dégâts à court terme ont été catastrophiques. Qui avait envie de débourser une fortune pour traverser la France quand, pour la moitié du prix, on pouvait aller aux USA ?

– La corollaire de cette décision a été le retour du tourisme national, fortement facilité par la gratuité totale des transports ferroviaires.

On ne pouvait punir d’un côté sans offrir de compensation de l’autre. C’est ainsi qu’est né le PFI, le Pass France Illimité. Chaque personne peut voyager autant qu’elle veut, en France, sur n’importe quel train et à destination de n’importe quelle ville, gratuitement. Il suffit simplement de réserver sa place via la plateforme mise en place, de vérifier les trains disponibles et de se lancer. Avec les différents QTE (Quotas Temporels Echelonnés), tout le monde est quasiment certain de trouver une place en temps et en heure. Je n’ai pas besoin de vous citer les chiffres du tourisme pour vous démontrer à quel point cette idée a été salvatrice pour tous. Toutes les villes du réseau historique sont accessibles via le rail et les régions précédemment enclavées ont vu leur population croître. C’est du bénéfice pur pour tous !

– L’interdiction totale de la circulation automobile au sein des grandes villes ainsi que la disparition programmée de tous les véhicules à énergie fossile a été tout autant un moment terrible, historique pour certains et douloureux pour d’autres…

Il fallait choisir; encore et toujours, entre confort et survie. Interdire les voitures dans les villes, c’était miser sur les transports en commun, le développement du vélo et une restitution de l’espace urbain aux habitants. Bien sur que cela n’a pas été facile mais je crois que la GreenRev (la Révolution Verte) est vraiment entrée dans les mœurs. C’est comme l’avènement de ces nouveaux modes de transports : la voiture solaire, les trottinettes à voile, le Houba Houba cinétique et même les bus à pédaliers où tout le monde pédale pour atteindre la destination, avec des réductions pour le plus régulier, le plus rapide, le plus jeune, etc etc. La fin des énergies fossiles était un mal nécessaire et c’est dans la logique des choses que cette page soit tournée.

– Il faut dire aussi que l’instauration du Revenu Universel de Créativité, le fameux RUC, a beaucoup fait pour amener à cet état des choses.

Totalement. En faisant disparaître l’obligation de travailler – ou du moins en la réduisant, tout en allouant à chacun une somme fixe mensuelle, nous avons relancé les loisirs, la vie lente et l’envie de prendre des risques. Finies les fins de mois difficiles et bonjour la tranquillité d’esprit ! Chacun et chacune peut consacrer sa part de temps libre comme bon lui semble et je crois vraiment que c’est tant mieux ainsi. A moyen et long terme, peut-être que c’est le travail lui-même qui disparaîtra ?

– Et bien, merci Léa de nous avoir consacré votre temps et je vous rappelle que vous pouvez récupérer cette interview chez vous dès demain, via notre service exclusif de LPP, la Livraison Pigeonnière Personnelle. Pensez simplement à bien nettoyer votre nid d’accueil à prévoir l’appoint en graines pour votre coursier plumé !