Toutes les vacances que je passe ont ceci de commun, que je sois dans les tréfonds de l’Altiplano, en randonnée dans le Perche ou encore les pieds dans l’eau du piscine du Pays Basque : l’instantanéité élevée au rang de mode de vie. Je n’existe plus que pour le moment présent, pour ce qui se déroule, se dévoile devant mes yeux, très exactement dans mon champ de vision et nulle part ailleurs.
Un départ en vacances est tel une parenthèse qui s’ouvre. Pendant la durée de mon séjour, j’essaie de tout oublier et de laisser loin, très loin derrière moi, les mille et un tracas de la vie quotidienne. Je range profondément, dans les abimes de mon esprit, ce qui m’oppresse et me tracasse. J’envoie valser les impératifs, les impromptus, les délais et les trukafère. Ce qui se vit aujourd’hui, maintenant, immédiatement, ne se réitérera pas demain. Chaque seconde qui passe et à laquelle je n’ai pas accordé toute mon attention est une occasion perdue d’observer, de rire, de sourire, de m’attrister, d’applaudir ou de pleurer.
Cela vaut d’ailleurs à plusieurs titres. L’humain que je suis voue un amour profond à la contemplation passive et à l’immersion douce. Le papa que j’aspire à être ne peut s’empêcher de garder les yeux rivés sur Fils, le regardant marcher, jeter son biberon, poursuivre le chat ou encore appeler sa Mère à grands cris déchirant simultanément le cœur et les tympans. Le professionnel de l’écriture que je pense être, enfin, ne supporte pas de ne pas avoir les antennes et le radar dressé en permanence, toujours prêt à retenir une image, une phrase, à capturer un détail ou une intonation.
Dans le cadre de cette parenthèse aussi enchantée que Basque, tout ceci n’est guère compliqué à mettre en pratique. Pendant que j’écris ces lignes, il me suffit de lever les yeux pour voir, presque à portée de mains, cette fameuse et mythique chaîne des Pyrénées avec, en point de mire, la Rhune qui ne cesse de m’obséder et que je jure de conquérir jour après jour mais qui se dérobe mêmement au quotidien. Abrupte, triangulaire, couronnée d’une antenne dont la présence est presque obscène en un tel paysage, je trace sur elle de bien fols itinéraires de randonnée. Je trace du bout du doigts des arabesques, tentant de décrypter le meilleur des chemins, le plus facile des accès, la plus droite et la plus biscornue des lignes.
Si je laisse un tout petit peu dériver mon regard et que je sors de l’attraction hypnotique de ce paysage, ce sont mille et un détails n’appartenant qu’à ici qui se dessinent petit à petit. Des lézards lézardent sur les pierres chauffées à blanc et se glissent entre les interstices du muret au moindre danger pressenti. Des feuilles bruissent sous les caresses du vent et la surface de l’eau se déchire, se forme et se déforme en des millions de rides lorsque crevée par le saut d’un enfant. Une ritournelle s’élève dans les airs, des pas résonnent sur les dalles et des rire s’entremêlent tandis que tintent les verres entrechoqués et que glissent avec volupté les gouttes échappées.
Les moments vécus pendant ces vacances, jusqu’à ce que se referme la parenthèse et que revienne à pleine volée la Réalité, sont à plusieurs facettes : anecdotiques car ne portant en eux que le sceau de leur propre existence éphémère, à peine née et déjà morte. Fabuleux car uniques. Exceptionnels car personnels. Différents car ressentis selon chacun. Source de joies et de tristesse : être là et ne bientôt plus y être. Source d’inspiration : ils servent à m’alimenter, au sens le plus textuel possible.
En attendant que vienne le moment de boucler, encore une fois les valises, je vais continuer à pourchasser mon Fils et à l’étreindre comme si c’était la dernière fois. je vais continuer à taquiner #DeT et à chatouiller Pitchoune. Je vais humer cet air et me repaitre, encore et encore de ces vacances si belles, si puissantes, si simples et emouvantes. Des vacances avec eux, avec moi.
Des vacances… ensemble !
Écrit les pieds dans l’eau, un après-midi d’avril, au pied de la Rhune, avec Fils sur les genoux et un chat sur les épaules.