Quand le “Si Lens ?” est d’or

Un week-end à Lens entre amis

Tout commence dans les années 2000, quelque part dans le treizième arrondissement parisien, aux alentours d’une faculté connue sous le nom de Tolbiac. Autour de ce mastodonte de béton gravitent espoirs, expériences, travailleurs occupés et étudiants oisifs à temps partiel. Tout au long de l’année, des chemins se croisent, des amitiés naissent et se forgent au gré des rencontres, des TD communs, des amphithéâtres partagés et de soirées plus ou moins arrosées. Nous apprenons à nous connaître, réunis autour de passions communes. Ce temps épicurien, celui de toutes les folies, des limites repoussées, des discussions d’une nuit qui marquent pour la vie vient doucement à son terme alors que nous traçons chacun, de notre côté, le sillon de notre vie. L’un s’engage sur la voie de la Thèse, l’autre se fait pilier de bar, côté zinc, le troisième se gratte la tête en se demandant de quoi demain sera fait tandis que le dernier larron du quatuor regarde avec envie l’école de journalisme adjacente.

(…)

Les années passent et nous voyons avec une belle régularité, en dépit d’expatriations, de déménagements, d’enfants nés. C’est donc fort logiquement que se retrouvent conviés en cachette par ma compagne, à mes quarante ans, mes frères d’âme que sont David, Gildas et Edouard, plus connus sous les noms de Davidoo, Dal’ et Doudou. Pour cadeau, en plus de leur présence, ils m’offrent un sésame à faire saliver : des places pour assister à Lens-Angers, emballées dans la promesse d’un week-end tous les quatre, juste nous quatre, personne d’autre que nous quatre. Le temps de vérifier la date, d’organiser brièvement la location d’un appartement et nous y voilà : Lens est à nous !

Mais pourquoi Lens ?

Elles sont deux choses que nous avons en commun, tous les quatre : le foot et les soirées passées à refaire le monde autour de bières, de frites et de choses très comestibles (ne rayez aucune mention, aucune n’est inutile). Dès lors, pas besoin de chercher midi à quatorze heures pour comprendre le choix de Lens, mes comparses ayant en tête mon attrait personnel pour cette ville couplé au fait qu’eux-même ne la connaissent pas et qu’ils sont particulièrement curieux de la découvrir, avec moi-même en guide (in)formel. De plus, comme nous ne sommes vraiment pas du genre à faire compliqué, notre programme a été très vite conçu : on coche quelques cases dans le planning (match, Louvre Lens, escape-game) et on improvise le reste du temps. Pourquoi donc vouloir remplir, absolument, le temps de ce week-end ? Quid des retrouvailles, des aléas, des repas qui débordent, des imprévus d’une minute qui deviennent des histoires d’une soirée ?

Un vendredi tant aimé

Notre week-end a donc commencé le vendredi soir, quelque part entre la gare et le stade. Quelques coups de fil, un passage rapide par l’appartement, des écharpes récupérées et nous voilà mêlés à la foule sang et or qui converge par grappes en direction de Felix Bollaert. J’adore, personnellement, la configuration et l’emplacement de ce stade, si proche de la ville, avec ses tribunes anglaises qui donnent directement sur le terrain, offrant une rare proximité avec les équipes. Pour moi, c’est une seconde fois tandis que pour David, Gildas et Edouard, c’est une première. Aussi bizarre que cela paraisse, nous ne sommes quasiment jamais allés tous ensemble dans un stade, en quatuor. C’est donc bercés par les légendes du lieux que nous prenons place dans la Marek, juste au-dessus du réputé Kop, qui ne cessera d’ailleurs jamais de chanter, encouragé encore et encore par des kapos aux relances incessantes. Masques sur la bouche, nous entonnons et reprenons encore et en chœur les classiques du lieux : la Marseillaise lensoise et les Corons, entre deux gorgées de bière et une poignée de frites volée dans la barquette du voisin. Tandis que se succèdent les vagues lensoises, je ne peux m’empêcher de me détacher du spectacle sportif pour regarder autour de moi, pour savourer ces deux heures et profiter autant que faire se peut du plaisir d’être réuni, ici et là, avec Eux. Nos blagues sont telles les tacles des joueurs : viriles mais correctes, validées par notre VAR personnelle à chaque fois. Avec le jetable acheté pour l’occasion, je tente quelques photos, histoire d’immortaliser la soirée, sous des quolibets affectueux. Les supporters sollicités se prêtent élégamment au jeu et la pelloche se retrouve vidée plus vide qu’une bière dans la main de Gildas un samedi soir rue Mouffetard. Plus tard, ce même samedi soir, nous naviguons à vue vers la faim : une première étape chez les pirates permet de remémorer quelques souvenirs mais ce sont nos estomacs qui réclament la pitance : je décide donc d’introduire le groupe aux merveilles de la Loco. Là, aux coudes aux coudes avec la foule, nous trinquons, bâfrons, mangeons, faisons péter nos bides. Qu’il est bon d’être là, en ce vendredi soir, entourés de la chaleur mythique des Gens du Nord ! Nos discussions vont et viennent, empruntent des chemins détournés, des raccourcis linguistiques étranges mais finissent finalement par revenir au même constat : “Bordel mais qu’est-ce qu’on est bien !”

LL pour Louvre Lens

Après un réveil (un poil) tardif, j’embarque toute ma joyeuse troupe du côté des Corons, en direction du Louvre-Lens. Il était hors de question de ne pas les faire profiter du musée, histoire qu’ils puissent, d’un côté, témoigner de l’intérêt des lieux et, de l’autre, assurer sans mentir que nous n’avons pas fait que manger boire durant ce week-end. La visite se passe sans soucis : tous découvrent la Galerie du Temps et l’occasion est trop belle pour ne ressortir quelques anecdotes et dossiers venus des tréfonds de nos études, lorsque nous étions étudiants en Histoire, Histoire de l’Art et Archéologie. Les blagues frisent le plancher des vaches (certaines s’y écrasent même lamentablement) mais l’ensemble est relevé grâce aux interventions toujours bienvenues de David, notre caution Positivisme personnelle.

Chez Cathy

Ce qui a fait basculer ce samedi dans l’irréel, cependant, c’est le repas qui s’en est suivi chez Cathy : on cherchait un endroit où bouffer sur le pouce, pour pas trop cher. Le restaurant était ouvert, les prix affichés étaient corrects, j’avais noté l’adresse dans un coin et donc, du coup, on a tenté le coup. Ah, mes aïeux, quel repas ! Déjà, chez Cathy, l’accueil est fait avec le sourire, avec la gouaille, sans guimauve de façade ni hypocrisie latente. D’ailleurs, la patronne, embusquée derrière le comptoir, ne cache pas son amusement en entendant nos échanges alors que nous sommes en plein séance décisionnelle pour savoir qui va commander quoi, avec toute la grâce et l’esprit de concorde qui nous caractérise en ces moments. Nous finissons par nous lancer dans quatre commandes différentes et, quand les assiettes arrivent, les potes comprennent ce que “portion généreuse” veut dire. Ils saisissent aussi le sens de “frites maisons” quand ils commencent à manger icelles. Je vois les yeux pétiller et j’entends presque les papilles en réclamer plus. Une fois le repas fini, on pense s’en aller mais non, halte-là, pas un pas de plus Messieurs : la Maison rince, la Maison offre, à vos places, prêts, levez, buvez, à la vôtre ! Hop, hop, hop, on remet ça et c’est à vous de deviner ce que je vous sers ! C’est avec le ventre tendu et l’âme repue que nous partons, sans tanguer, vers notre troisième étape de la journée : l’Escape Game de Bollaert.

S’échapper de Bollaert

Nous avons une heure pour nous échapper des vestiaires où, par malchance, nous avons été enfermés par notre guide. Totalement pris par le jeu, nous enflammons nos neurones, mettons nos intelligences au diapason et nous répartissons les rôles, au gré des trouvailles, des énigmes à résoudre et des découvertes qui font avancer. Pour autant, nous savourons de même le plaisir d’évoluer dans un tel lieu, celui-là même où furent posés les glorieux postérieurs d’une certaine équipe de France vouée à conquérir le monde, un été de 98. Pas trop dur sans pour être autant évident, l’escape game finit par se rendre, avec les honneurs, au bout d’une grosse quarantaine de minutes. Ravi de notre session, nous prolongeons le plaisir en nous offrant une petite séance photo dans le stade désormais désert. Quel contraste entre la folle ambiance de la veille et ce calme d’un samedi après-midi ! Nous prenons la pose pendant la pause, évoquons quelques souvenirs frais et admirons encore une fois cette architecture si unique. Une fois sortis, j’en profite pour shooter subrepticement David, en pleine admiration de la tribune famille, tandis que Gil’ et Doudou se tâtent à aller jeter un œil à la boutique de souvenirs labellisés RC Lens, histoire de ramener quelques souvenirs aux enfants et compagnes.

Le temps est suspendu, les minutes s’égrènent lentement. Que faire donc en cette fin d’après-midi, dans le nord de la France ? Et bien vivre, tout simplement ! Et c’est en repartant une dernière fois fouler les artères de la ville que nous mettons ce moto en pratique.

Une nuit lensoise

Lens, pour qui sait aller, offre moult ressources aptes à entretenir joyeusement une bande de joyeux lurons quarantenaires en quête d’amusements divers et variés. Nous avions déjà, la veille, essayé quelques un de ces lieux de perditions. Cependant, n’étant point valétudinaires et décidés à écrire de nouvelles glorieuses pages de notre Épopée, nous avons remis le couvert, bien décidés à sortir une bonne fois pour toute de notre zone de confort. Entamée chez Orge et Houblon (une adresse des plus recommandables, avec un vaste et génial choix de bières), la nuit s’est finie tard, très tard, vers la Loco, après un long passage à l’Irish Tavern. Entre ce début et cette fin, des flashs, des souvenirs : une partie de fléchettes endiablée, avec Gil’ en maître d’œuvre, la quête d’un endroit où se restaurer quête conclue par “Allez, on retourne à la Loco” (qui a fait l’unanimité), un américain avec double steak et supplément fromage, à une heure du matin, un détour imprévu, quelques discussions enfiévrées et un échouage général dans les canapés de l’appartement, les sourires vissés aux lèvres.

C’était bien, Lens.

Portrait de groupe

Article originellement paru dans le numéro Printemps – Été 2022 du Sens de l’Essentiel et publié ici dans sa version longue intégrale. Merci à Lens-Liévin Tourisme pour le coup de main logistique durant ce super week-end. Et merci aussi à David, Gildas et Edouard, évidemment, pour tout ce que vous savez (et aussi pour ce que vous ne savez pas).