Depuis deux mois, mon existence a basculé dans un espace-temps différent de celui dans lequel j’évolue habituellement. Depuis deux mois, je découvre une façon de vivre très spéciale : celle où tout est dicté par l’impératif de dates-butoirs à respecter absolument. Depuis deux mois, je vis sous le Signe de l’Urgent, de l’urgence, d’urgemment. Que ce soit un appartement à vider, des papiers à remplir ou des objets à me débarrasser, tous mes actes, toutes mes pensées et toutes mes démarches du quotidien ne tendent que vers un seul et même objectif : FAIRE et, si possible FAIRE LE PLUS VITE POSSIBLE.
Si je ne me souhaite m’étendre plus avant sur les causes de cette frénésie, je souhaite, a contrario, revenir sur les conséquences : je vis dans l’urgence. Or, pour quelqu’un comme moi qui aime à prendre le temps et à évoluer en mode Lentano, Lentano, c’est une période excessivement compliquée qui me fait comprendre quelque chose que je savais très bien : L’urgent ne fait pas bonheur, loin de la.
Il ne s’agit pas d’être sociologue pour se rendre compte à quelle point la précipitation, la nécessité d’agir vite, le besoin de se presser… sont hautement nocifs pour la santé, qu’elle soit physique, morale ou affective. Nul besoin non plus d’être Thésard pour saisir l’impact de cette nocivité au quotidien. La routine se retrouve repoussée en arrière-plan, toutes les priorités sont chamboulées et les instants de répit se comptent sur les doigts de la main d’un manchot. Chaque seconde de repos est comparable à la bouffée d’air d’un apnéiste resté trop longtemps immergé ou à celle d’un marathonien qui recherche son antépénultième souffle alors que la ligne d’arrivée est encore bien loin.
Devenir Tortue
A une époque où reviennent en force des volontés d’aller moins, vite, moins loin et plus simplement (tel le fameux #SlowTravel, aimable et estimable expression désignant le « voyage lent », concept merveilleux mais devenu belle arlésienne qui repointe le bout de son nez de façon cyclique et dont le sens premier s’est perdu en route tellement les foules s’en emparent avec avidité pour l’associer à tout et n’importe quoi), je pense qu’il est essentiel, du moins pour moi, de stopper cette folie et de redevenir Tortue au milieu des Lièvres.
Cette analogie de la Tortue, par ailleurs, me parait particulièrement appropriée au regard du Monde qui m’entoure. Aller lentement pour aller surement, porter sa maison sur son dos et se réfugier, caché, pour échapper au danger, n’est-ce pas ce quoi nous aspirons ? Si nous sommes, au cours d’une même journée, moutons (dans les transports), bétail ou encore oiseaux migrateurs (quand nous voyageons, pour toujours revenir au point de départ, pourquoi ne pourrions donc pas nous métamorphoser une fois de plus ?
Être tortue, escargot ou autre. Se revendiquer de la Lenteur. Avancer un pas à la fois. Arrêter de subir. Faire une seule chose à la fois. Rejeter la vélocité. Se concentrer sur l’essentiel. Tendre vers un objectif et y aller à son rythme. Saisir les occasions d’observer, de regarder, d’admirer. Laisser courir les autres et se focaliser sur soi et le monde tel qu’il défile selon notre propre regarde, notre propre conception.
Au confluents des influences
Ce n’est pas par hasard si, aujourd’hui, j’éprouve une attirance spéciale pour ceux qui osent prendre le temps. Certains, comme Mathieu des Voyages de Mat, mon pote Manu de JPret pour l’Aventure, les Shoes your Path ou encore Laurent de One Chaï ont replacé la lenteur – sous diverses formes polymorphes – au centre absolu de leurs tribulations et cela m’épate au plus haut point. En empruntant certains chemins de traverses et certaines déviations, ils arrivent à accéder à des voies que je trouve formidables. Je suis souvent admiratif de ce que je découvre à travers leurs écrits et j’y trouve une vraie et belle source d’inspiration.
Pour autant, Je ne cherche pas à me réclamer d’un quelconque mouvement. Je ne cherche pas non plus à labelliser mes voyages d’une quelconque façon. Ce que je cherche, a contrario, c’est réussir à me créer ma propre bulle voyageuse, à affiner ma conception de ce monde et à y trouver la meilleure façon d’y évoluer, quelque part à équidistance entre efficacité, humanité, survivance, plaisir, bonheur, obligations et choix. Au centre exact de tout ceci, à la rencontre de ces confluences, se trouve MA place.
A moi de trouver comment y arriver.
A moi de trouver mes propres chemins, mes propres carrefours, mes propres barrières à enjamber, à enfoncer, à escalader.
Pour cela, je vais prendre tout mon temps car, je vous le redis : L’urgent ne fait, vraiment pas, le bonheur (et je suis bien placé pour le savoir).