Où il est question de bombe à ours, de rencontres inopinées et de randonnée
Le coeur léger, l’âme fière, le torse bombé et courbaturé, c’est ainsi que je me réveille de ma courte nuit passée sur la banquette arrière de la voiture, pour cause de tente pas franchement wouaterprouf et de pluie tombant m’amenant à cette constatation.
Nonobstant ces menus détails, c’est avec un soleil radieux que nous remballons notre matériel de camping pour la randonnée que nous avons programmée: Grizzly Lake. 6 à 7 heures de marche dans le Parc de Tombstone pour atteindre un lac situé sur une cuvette naturelle accessible via un trail sinuant sur les crêtes abruptes. Nous devions passer la nuit la-bas mais deux éléments sont venus contrarier notre projet:
– Plus de permis pour dormir sur place
– Un matériel déficient pour des conditions pareilles. N’est pas qui Nicolas Hulot qui veut.
Equipés donc comme le parfait petit randonneur, avec nos beaux sacs à dos, notre bombaours, nos barres céralières, notre riz et tout le tralalala, nous marchons. Abruptement. Nous crachons chacun nos poumons, paumons nos rotules, nos clavicules et quelques autres ossements épars et finissons, après une traversée épique à atteindre le premier plateau.
Prises de photos, commatage d’un Pierre échoué sur une pierre ( Tu es Petrus et super hanc petram, aedificabo Ecclesiam meam !), mangeange de provisions et repartage fissa fissa vers de nouvelles hauteurs. On monte donc, montons toujours, montons encore et voyons arriver au loin un trio de charmantes randonneuses inconstestablement blondes, indubitablement charmantes et définitivement ravissantes. Nico ne perd pas le nord, Pierre retrouve sa prestance et moi je sors l’appareil, rigolant comme un Quasimodo moyen. Ca papote, discutaille, dragouille mais ne donne rien, le trio s’en allant dans le sens contraire d’ou nous allons (CQFD: elles descendent).
Quelques bonnes blagues grivoises plus tard, nous arrivons au sommet de notre escapade. Arrêt bouffe, riz, tomate, thon, sardines, reprise de photos et c’est à l’unanimité que nous décidons que, décidement, Grizzli Lake est trop loin pour les pauvres herres que nous sommes.
Redescente donc et nouvelle rencontre d’un spermophile local qui voyant en nous des bipèdes humanisés pourvoyeurs de bouffe, décide de camper sur ma chaussure. On sort les beaux n’appareils, on flashe le Spermophile – qui a du voir des étoiles pendant des jours – et on refait le chemin inverse, sachant qu’une loi merveilleuse de ce bas monde fait qu’en théorie, « on doit descendre autant qu’on a monté » dixit mein father.
C’est à travers les bois que se finit ce beau trail. Et c’est aussi là que nous avons le plus de chance de croiser des plantigrades velus ayant donné leur nom au coin. Bref, y a des grizzlis par la. Je prends donc ma bombaours et me fout en tête du groupe, prêt à dégainer.
Et j’entends des bruits au loin, genre grognements.
Et je vois des traces de griffes sur les arbres.
Et je vois une souche renversée et des branches cassées.
Calculant plus vite qu’un Imac, j’en déduis la présence toute proche d’une grosse bestiole velue et me fout en travers avec la bombe pointée… Vers un groupe d’innocentes randonneuses roupillant sur le bord du chemin, celles-la même qu’on a croisé plus tôt et plus haut. Et qui ont beaucoup ri. Comme celle à qui j’ai refait le même coup dix minutes plus tard… Et qui m’en a reparlé à Dawson 4 jours après alors qu’elle venait m’acheter des frites.
Au final, pas d’ours mais une belle balade pour dire au revoir à Tombstone et à la Dempster et nous projeter avec un bel élan vers les 5 jours de travail, de déchéance et de concerts qui nous attendaient à Dawson City !
La morale de cette histoire: Prenez une fille pour un ours et menacez-la avec une Repellent Bear Bomb, c’est comme cela qu’on drague au Yukon !