Pour ce sixième épisode de cette série d’interviews, je n’ai pas eu à chercher très loin: j’avais en effet, dans mon viseur, une bloggeuse atypique et décalée, lyonnaise de son état et dont le cœur est inlassablement tourné vers les grands espaces de l’Utah.
C’est avec son sourire, sa bonne humeur et sa jolie plume qu’elle a répondu, dans un délai record, à mes questions: qu’elle en soit donc moult fois remerciée.
J’ai donc le privilège, le plaisir et la chance d’accueillir ici-même Isabelle de Let’s Go !
Présentation
Hello ! Alors pour commencer, la question rituelle: mais qui es-tu ?
C’est difficile de se définir autrement que par ses goûts… Je vais donc me présenter de façon très classique : je suis Isa, lyonnaise, géographe dans l’âme (j’ai toujours voulu comprendre le monde, et pour moi, la géographie est la science ultime : on aborde aussi bien la géographie physique que la géographie du peuplement, la démographie, la climatologie, la géopolitique…) J’ai toujours été une grande curieuse, une grosse lectrice. J’aime plus que tout voir des concerts, et manger bien. Je vois un peu le voyage comme le liant de tout ça…
Rien d’original : je suis une grande grande amoureuse des États-Unis, de littérature américaine, et ce, depuis toute petite, avec la découverte de l’épopée de la Jeunesse de Picsou par Don Rosa ! (il faut lire l’article à ce sujet ici-même, apparemment, je ne suis pas la seule dans ce cas ! ;).
Les voyages
« Mon truc, c’est vraiment l’Utah. L’Utah, dans toute sa splendeur, et souvent, sa misère. Le pays mormon, hors Salt Lake City et St. George, n’est vraiment pas prospère… »
Première petite question bête : tu es allée où ?
J’ai eu la chance, petite, de parcourir la France avec ma famille et randonner à peu près partout. D’origine espagnole, je passais un mois en Espagne, un an sur deux. Impossible de ne pas avoir le goût du voyage, avec ça ! Étudiante, j’ai commencé à voyager un peu en Europe : Bruxelles et la Flandres, Munich, Genève (qui n’est pas très loin de chez moi), Madrid ainsi que Londres et Paris en profondeur.
C’est seulement en 2008 que j’ai décidé de faire le grand saut de l’autre côté de l’Atlantique, en partant un mois et demi, entre Montréal, le Vermont, le Maine, la Californie et l’Utah. C’est quelque chose de très courant, j’imagine, de faire ça à 21 ans. Mais pas pour moi ! Même si j’ai toujours eu le goût du voyage, je n’avais ni l’argent ni le courage de sauter le pas.
C’était donc un gros challenge pour moi.
Quelques temps après, et comme beaucoup de Français, j’ai vécu à Montréal pendant 7 mois. Premier “déracinement” loin de ma région lyonnaise, et Dieu que ça m’a fait du bien ! J’ai énormément grandi.
Tu es connue pour ton amour de l’Ouest américain. D’où cela vient-il ?
Je suis connue ! Wahou ! 😀 Même si je bouquinais sans cesse des livres sur la ruée vers l’or en Californie, si j’avais des cartes sur le pays des canyons, sur l’installation des pionniers dans l’Ouest, je lisais aussi énormément sur les autres régions et villes américaines… Donc c’est un peu un hasard. En 2008, nous avons décidé de rendre visite à de la famille proche vivant aux portes du parc national de Zion, en Utah. Nous atterrissions à Las Vegas, ville que j’ai immédiatement détestée de tout mon cœur.
Après 2h de route, nous sommes arrivés à St. George, et les falaises de Zion commençaient à se dessiner légèrement…
La route a continué à serpenter un peu, et à quelques kilomètres de Zion, j’ai eu le souffle coupé. Je n’avais jamais rien vu d’aussi beau.
La lumière au coucher du soleil était incroyable. Le soir même, un orage d’été a secoué un peu la vallée : je n’oublierai jamais l’odeur des plantes du désert mouillées par la pluie. Ma mémoire des lieux est avant tout olfactive, c’est étrange.
J’ai l’impression que je fais le récit d’un coup de foudre, mais c’est exactement ça, en fin de compte. Je me suis dit “mon paradis, c’est ici !”. La semaine suivante est passée à une vitesse folle, entre la découverte de Zion, du désert, de la communauté de Springdale et bien-sûr, de ma famille.
Mon truc, c’est vraiment l’Utah. L’Utah, dans toute sa splendeur, et souvent, sa misère. Le pays mormon, hors Salt Lake City et St. George, n’est vraiment pas prospère…
Je ne connais encore guère le reste de l’Ouest Américain : l’Etat de Washington, la côte californienne, le nord de l’Arizona et un bout du Colorado. Mon prochain voyage me mènera au Nouveau-Mexique et au Texas pour combler cette méconnaissance ! Ca fait quelques années que j’ai envie de pousser jusqu’au Wyoming et au Montana, mais j’ai énormément de mal à quitter le désert.
D’ailleurs, soit dit en passant, je ne suis pas une grande fan de la Californie. Les villes y sont belles : San Francisco et San Diego sont incroyables. Le Nord de la Californie est sublime. Mais je ne sais pas… Je ne m’y sens pas bien. Il y a tellement de pauvreté. Il y en a dans tous les États américains, mais le contraste avec l’extrême richesse californienne est difficile à supporter.
Tu as passé, l’année dernière, cent jours sur la route. Quel était l’objectif de ce voyage ? Quels ont été tes coups de cœurs ?
100 jours entre les États-Unis et un petit bout du Canada (pour en savoir plus : Le tour des États-Unis, tous les articles)
L’objectif du voyage ? A vrai dire, je ne le savais pas avant de partir ! Maintenant, je sais un peu plus ce que l’on voulait faire : faire quelque chose qui est tout à fait contre notre nature de voyageurs. Aussi bien mon conjoint que moi n’aimons pas vraiment courir dans tous les sens, on préfère s’installer quelques semaines ou quelques mois à un endroit pour se découvrir une routine, un nouveau mode de vie…
Donc l’idée d’un road-trip d’un peu plus de 18 000 km, c’était vraiment pas quelque chose d’habituel, pour nous. Mais on avait envie de se lâcher, de se prouver que l’on en était capables, de partir sur la route, d’être itinérants, d’aller voir tous nos amis dispersés dans le pays. Ça n’a pas toujours été facile. Faire, défaire son sac tout le temps… Avoir des impératifs…
Mais au final, je ne changerai notre voyage pour rien au monde. Il y a eu des moments de grâce, notamment la traversée de Chicago à Salt Lake City (le train va jusqu’à San Francisco), avec le California Zephyr.
Il y avait une ambiance incroyable, dans le train. Pour quelqu’un de contemplatif comme moi, il n’y a pas mieux. C’était aussi un sursis dans notre voyage : on prenait notre temps.
En revenant un peu en arrière, chronologiquement, j’ai adoré le pays Amish (Lancaster, Pennsylvanie).
Charleston et Savannah sont des villes sublimes, avec une telle atmosphère… Surtout Savannah. C’est indescriptible ! Je me rappellerai toujours d’un vieux monsieur insomniaque qui nous racontait ses Sixties, ses trajets en voiture d’Atlanta à Los Angeles, avec son accent du sud à couper au couteau… (lorsque l’on a passé la nuit à la gare de Charleston)
C’est ce genre de rencontres qui font que je ne regrette pas d’avoir voyagé différemment, cette fois-ci.
Sur ces 100 jours, nous avons passé un mois dans l’Utah, et là c’était la liberté absolue. On décidait d’où aller en sortant la carte routière et en pointant la nouvelle destination du doigt !
Il y avait majoritairement des bons souvenirs, mais également des mauvais. Par exemple, quand j’ai fait une crise d’angoisse sur la route, sur la côte est. Dans le passé, j’avais uniquement conduit dans l’Ouest, et croyez moi, l’Est, ça m’a fait l’effet de Marseille… mais avec des autoroutes à 11 voies (true story, dans la banlieue de Washington DC !).
Autre souvenir pas terrible : quand un taré a failli me rentrer en pleine face en doublant n’importe où… J’ai du me mettre sur le bas côté de la route… Mais de manière générale, malgré quelques frayeurs, le bon côté des choses l’emporte amplement.
As-tu une espèce de philosophie du voyage (thème très à la mode en ce moment !) ?
Je ne sais vraiment pas… Je n’estime pas être une grande voyageuse, ni une baroudeuse. J’ai besoin de connaître les choses en profondeur, avant de pouvoir passer à autre chose. Mais je suis comme ça dans tous les aspects de ma vie. Je dois sûrement avoir un TOC ou quelque chose du genre…
Je ne pourrais jamais faire un tour du monde à dos de lama. Ça ne m’intéresse pas d’en faire trop, ou d’en voir trop. J’ai juste envie de me faire plaisir, tant pis si personne n’est intéressé par mes récits de voyage, tant pis si ce n’est pas très vendeur sur mon blog !
A l’heure actuelle, je ne me vois pas partir ailleurs qu’aux États-Unis, j’ai encore tant à découvrir, la diversité culturelle de ce pays est incroyable.
Tu as des envies, des projets ?
Oui, repartir ! Mon conjoint étant fonctionnaire, il ne peut pas demander une année de disponibilité immédiatement. Dès que c’est possible, nous filons en PVT au Canada, de préférence dans l’ouest canadien. Parce que y’a pas à dire, l’ouest, c’est le “real deal” !!! 😀
Là-bas, les cieux sont immenses, tout est plus spectaculaire, tout est plus beau, et j’aime me sentir toute petite au milieu de nulle part (quelque chose qui me fascinait mais m’effrayait aussi un peu au début !)
Dans les projets plus proches, je vais en profiter pour découvrir l’Europe cette année : Allemagne, Dublin et un petit retour à Madrid. L’année prochaine, j’ai envie de m’envoler à nouveau pour le désert…
Lyon, la Musique, les Livres
« Lyon n’est pas parfaite. Parfois je peste contre elle, mais ça reste toujours la femme de ma vie. »
Contrairement à d’autres bloggers voyage, ton blog n’est pas unithème. On y trouve des articles sur Lyon, sur tes groupes préférées, sur la musique: ça me donne envie t’en parler ! Du coup, Lyon, tu en dis quoi ?
Je ne voyage malheureusement pas assez pour pouvoir ne parler que de ça ! J’essaye donc d’aborder un peu mes autres passions… Même si je suis un peu trop flemmarde pour beaucoup parler de Lyon et de mes concerts (est-il trop tard pour prendre une nouvelle résolution et me mettre un coup de pied aux fesses ?! 😉 ), j’essaye de varier un peu les plaisirs, effectivement !
Je suis amoureuse de Lyon. J’y suis née, mais j’ai grandi dans les montagnes alentours. Je connaissais d’ailleurs bien mieux Saint Étienne avant d’y déménager, il y a maintenant 8 ans.
C’est pour moi la plus belle ville de l’univers, et puis c’est tout !
Lyon n’est pas parfaite. Parfois je peste contre elle, mais ça reste toujours la femme de ma vie.
Elle est souvent perçue comme une ville froide et peu accueillante, mais je ne comprends pas pourquoi ! Ce n’est pas une ville du Nord, ce n’est pas une ville du Sud, ce n’est pas une ville des Alpes, Lyon c’est vraiment un carrefour, un mélange de tout ça.
Un spot sympa à recommander pour un touriste absolu ?
Ça c’est vraiment une question difficile ! Mon endroit préféré, c’est la roseraie du parc de la tête d’or (un immense parc en plein centre), le soir, au mois d’août. Il n’y a personne, c’est apaisant.
Pour un touriste, cependant, je recommanderais sans hésiter la montée du Vieux Lyon (à St Jean) jusqu’à amphithéâtre romain de Fourvière. C’est fatigant, mais une vue pareille se mérite ! Il suffit de pousser ensuite jusqu’à la Basilique de Fourvière pour avoir une vue imprenable sur toute la région, et même jusqu’au Mont Blanc si le temps le permet.
Arcade Fire… Je connais pas du tout mais tu sembles être une vraie fan. Qu’aimes-tu chez eux ?
C’est toujours délicat de se définir comme fan, c’est souvent assimilé au fait d’être une groupie… Je suis peut-être les deux, je ne sais pas. Ça fait souvent peur aux gens quand je dis que je les ai vu 13 fois en concert (j’avais pas parlé de TOC, plus haut, par hasard ? ;-)). Ils sont rattachés à une période de ma vie, celle ou j’ai découvert le monde de la musique indépendante (je suis hipster malgré moi), où j’ai découvert à quel point je pouvais voyager pendant un concert.
Ils m’ont donné envie de visiter Montréal et de voir un peu pourquoi tant de bons groupes sortaient de là-bas (et j’ai compris !). Aujourd’hui, ils sont un peu en marge de la musique indé car très très populaires. Chez eux… j’aime (ou j’aimais, car ils sont moins comme ça, aujourd’hui), tout simplement la puissance et la densité de leur musique.
Ta dernière lecture que tu veux faire partager au monde entier ?
Mon défi lecture 2013, c’est de me faire l’intégrale des œuvres non-fictionnelles de l’écrivain Wallace Stegner. Il vient de la Saskatchewan mais a passé la grande partie de sa vie en Utah. C’est un explorateur-naturaliste-historien, et surtout… il écrit admirablement bien sur l’Utah et les enjeux de la conservation… Il n’a pas été traduit, à ma connaissance, mais son style est tellement limpide que c’est sans grande difficulté ! Je sais qu’il est parfois controversé, mais je ne me lasse pas de son portrait de l’ouest américain.
Le blog
« J’ai juste envie de me faire plaisir, tant pis si personne n’est intéressé par mes récits de voyage, tant pis si ce n’est pas très vendeur sur mon blog ! »
Déjà : pourquoi tenir un blog ?
Honnêtement, je n’en ai aucune idée. Je dois être beaucoup plus narcissique que je ne le pensais… J’aime passer des heures à lire les blogs d’autres gens, alors je me suis dit “pourquoi pas moi ?!”. Même si évidemment, je n’ai rien de spécial ni d’extraordinaire à partager, surtout dans la profusion actuelle de blogs de voyageurs en particulier !
J’imagine que la réponse est simple : juste pour le plaisir d’écrire et de me faire marrer de temps à autre.
D’où vient donc le choix de Let Us Go ?
En fait, mon blog s’appelle Let’s Go mais j’ai été obligée de prendre let-us-go comme domaine car je n’ai jamais réussi à obtenir lets-go ! Bouh ! Ça vient de là:
[youtube qWRg14LldTA nolink]Let’s Go. Allez, on arrête de se prendre la tête, on se lance, on y va !
Pourquoi avoir choisi WordPress ?
Je suis passée par Canalblog il y a un siècle, puis Blogger qui me plaisait assez. Au bout d’un moment, j’avais envie de quelque chose de plus souple, de plus malléable, alors je suis tombée sur WordPress… Je ne suis pas une championne de la programmation, donc je fais un peu avec mes moyens, mais je suis vraiment satisfaite de cette plateforme !
Je crois savoir que tu as fait ton thème toute seule. As-tu rencontré des difficultés ?
Je suis sous un twenty eleven tout ce qu’il y a de plus classique ! J’ai un peu fouillé dans le code pour qu’il soit à mon goût, mais je n’en suis jamais 100% contente. J’ai l’impression de ne jamais trouver le thème ou le template qui me convient vraiment… Je sais pourtant exactement ce que je veux ! La seule solution : après avoir trouvé un pote avocat, il faut que j’en trouve un qui est programmeur (et ostéo aussi, ce serait cool). Le pire pour moi, c’est toutes les histoires d’hébergement. Ça c’est vraiment un cauchemar ! Ça ne m’intéresse pas du tout…
As-tu une ligne éditoriale ?
C’est une question que je me posais hier, tiens, après m’être fait méchamment rembarrée par une agence de comm’ qui me proposait un échange de liens, et à qui j’ai dit non. Je me suis dit qu’il fallait peut-être que j’ouvre un peu le champs de mes thèmes abordés… Mais pour l’instant je ne parle que de mes voyages et de mes (nombreux) états d’âme qui en découlent !
Pourquoi mettre des <3 dans la liste de tes liens ?
Ah ah, ça je sens que ça t’inquiète toujours ! C’est un peu les blogs que j’ai envie de mettre en valeur, qu’ils soient vraiment des amis proches, des coups de cœur, qu’ils soient utiles, ou moins connus, un peu pour inciter les gens à cliquer. Même si je sais que pour toi, c’est le contraire, ça t’inciterait plutôt à ne pas cliquer ! 😀
Le mot de la fin
Une dernière chose pour finir ?
Je voulais te remercier de m’avoir posé toutes ces petites questions, et je suis ravie d’apparaître dans le coin, lectrice assidue que je suis !
Je voulais juste ajouter que de manière générale, je me tiens éloignée de la communauté des blogs de voyageurs, car je ne me reconnais pas du tout dedans. Je n’ai pas parcouru le monde, je n’ai pas une expérience monstrueuse, je n’ai apparemment même pas de “philosophie du voyage” ! C’est difficile de se placer, dans ce contexte. Mince, je voulais pas du tout finir par une note négative !
Je vais donc finir par : faites vous plaisir, tout simplement, que ce soit en lisant, voyageant ou en écrivant ! 🙂
Merci donc à Isabelle, que vous pouvez également retrouver sur Twitter: Isah Let’s Go !