Pauvre petit Mouton

Voyager est une occasion souvent unique de pouvoir vivre des expériences fabuleuses et hors du commun. Ainsi, lors de mon WHV néozélandais, je me suis aventuré dans le monde merveilleux du HelpX, ce système ingénieux proposant bouffe et logement contre quelques heures de travail par jour. Quand j’ai commencé mes recherches pour ma première destination, je n’avais qu’une idée en tête: bosser dans une ferme avec des moutons et, si possible, dans un coin super reculé, inaccessible et loin de tout. J’ai été servi au-delà de mes espérances et c’est donc ce que je vais vous raconter aujourd’hui…

Pauvre Petit Mouton (ou comment écouiller des agneaux)

Bande de petites bêtes adorables
Bande de petites bêtes adorables

L’endroit où j’ai eu la chance de pouvoir m’initier à la vie de fermier kiwi est un petit coin de paradis, sis au beau milieu des Marlborough Sound, pas loin d’Havelock, la capitale mondiale des moules vertes.

Pour s’y rendre, une seule solution: prendre le merveilleux bateau postal hebdomadaire, se faire déposer quelque part sur le trajet et attendre que l’hôte vienne vous récupérer (car toutes les habitations, très parsemées, ne sont pas toutes desservies, CQFD).

Dans mon cas, je me retrouvé largué sur une espèce de ponton, au beau milieu d’un nulle part certes féerique mais ô combien inconnu. Je me rappelle clairement avoir été heureux d’être posté sur ce morceau de bois, à regarder les montagnes des alentours, le gros sac posé à mes pieds, l’appareil en bandoulière et écoutant religieusement le clapotis des vagues à mes pieds. Mais cependant, une petite question me trottait dans la tête:

Mais qu’est ce que je fous là ?

Puis le miracle est arrivé : un bateau à vapeur datant probablement de la Gold Rush est venu me chercher, conduit par Trevor et rempli d’enfants (2 pour être précis): ma famille d’accueil !

Bwa Bwa Bwa

Les contacts que j’avais eu en amont faisaient état de haute probabilité de mettre mes muscles à contribution dans le cadre d’une noble et belle tâche: le Lamb Tailing.

Crédule et naïf que je suis, je n’ai pas cherché à savoir exactement ce que cela signifiait, au-delà de l’aisée traduction. Ça parlait d’agneau et de queue: tout ce que je cherchais !

Aussi, quelle ne fut pas ma surprise lorsque mon hôte m’a demandé, au détour d’une banale discussion, si la vue du sang ne me dérangeait pas, vu qu’on allait devoir couper la queue et arracher les testicules d’environ 600 agneaux dans les jours à venir.

Je vous laisse imaginer la légère surprise qui fut la mienne. J’ai presque honte de le dire mais, en fait, je n’ai pas été spécialement choqué ni outré ni encore moins abasourdi à l’évocation de ce programme. J’ai plutôt eu un sentiment du genre:

“Tu l’as bien cherché à vouloir faire ton apprenti-berger alors maintenant, démerde-toi !”.

La queue mais pas les oreilles.
La queue mais pas les oreilles.

Je tiens mais je ne coupe pas

Grosso modo, mon rôle pendant cette semaine a été simple: j’étais le pourvoyeur d’agneaux, l’immonde individu en charge de les amener sur l’enclume et des les maintenir pendant la séance de torture.

Ainsi, le rituel est fort simple.

Il faut d’abord choper l’agneau le plus proche, le tenir solidement contre soi par les pattes d’en bas et lui poser le bidon, bien dégagé sur l’étal de la boucherie sur la table d’opération.

Ensuite, tout va très vite. L’exécuteur en chef attrape un couteau bien aiguisé, tranche la petite queue toute mignonne d’un coup sec, pulvérise dessus un antiseptique et passe ensuite à l’ablation des testicules. La bourse est, à sa base, ligaturée par un anneau élastique (via un appareil spécial) puis ouverte d’un autre coup de couteau. Il ne reste plus alors qu’à plonger la main, choper les couilles et les arracher d’un coup sec via une torsion.

Un autre coup d’antiseptique et tout est fini en une grosse minute.

Testicule

A titre personnel, les premières fois ont été un petit peu douloureuses. Les agneaux bêlent à fendre l’âme, gigotent, se pissent dessus et tentent par tous les moyens de rejoindre le troupeau de leurs congénères.

Puis, au fur et à mesure, une petite indifférence se met en place. Le travail devient routinier, les gestes précis et mesurés et on se prend à compter le nombre d’agneaux restants à traiter avant le mérité repas du soir.

Je n’ai coupé aucune queue mais, sur l’invitation de Trevor, j’ai arraché UN testicule de mes propres mains, en détournant le regard et en faisant probablement souffrir plus que de raison le pauvre petit agneau innocent.

De la cruauté gratuite ?

Les faits que j’expose ici ne manqueront pas de se faire hérisser les poils de tous les biens pensants protecteurs des animaux (et pourtant carnivores).

Ecouiller et équeuter des moutons est pourtant une pratique très courante dans le monde de l’agriculture. Pour des raisons sanitaires (une queue recouverte de merde, c’est le nid le plus absolu qu’il soit pour des bactéries) autant que pour des motifs commerciaux (qualité de la viande et/ou de la laine).

Une pratique moins barbare que celle décrite ici consiste simplement à appliquer un anneau et à couper ainsi la circulation sanguine. Queue et couilles tombent d’elles-même quelques temps après.

Cependant, la taille du domaine où je bossais couplé au nombre important d’animaux (plus de 3000 têtes) rendent virtuellement impossibles cette technique.

De fait, quelques fois par ans, de grandes battues sont organisées à l’aide de chiens pour rabattre les agneaux/moutons/brebis, (le Mustering en VO)  les compter, contrôler leur état sanitaire et agir si besoin est.

Si vous voulez savoir quelle est la pratique la plus révoltante concernant les moutons, renseignez-vous sur la façon dont sont traités les Mérinos en Australie et sur ce qu’on appelle le Museling (à ne pas confondre avec le crotching).

Finalement…

J’ai survécu à tout ça et j’ai découvert une facette de la vie agricole dont je ne soupçonnais même pas l’existence. J’ai découvert le lien fort qui unit un éleveur à ses moutons (on peut même parler d’une certaine forme d’amour) de même que j’ai été plongé dans l’existence tranquille d’une famille kiwi dont les enfants sont scolarisés à domicile, où les dauphins nagent en face de la maison et où des peaux de sangliers ornent les poteaux de clôture.

J’ai  quand même gardé le meilleur pour la faim.
Vous savez ce qu’on en a fait de tous ces testicules arrachés ?

Une omelette !
Une omelette !

Pour ceux désirant en savoir plus, j’ai également raconté (en partie) cet épisode ici: Les Marlborough Sounds et les Moutons. Des photos et vidéos de moutons également disponibles dans les rubriques éponymes !

  1. Le fait que vous vous soyez habitués à cette torture et aux souffrances de ces bbs (car ce sont des bbs) et qu’en plus, vous avez mangés le fruit de votre labeur montre bien votre indifférence à la souffrance animale et c’est inquiétant envers le genre humain.
    Toute souffrance est inutile. Pire en Australie? Non, pour moi, les deux méthodes se valent question souffrance! Il n’y a pas si longtemps, en Belgique, on faisait pareil aux bbs cochons parce que soi disant la viande de porc risquait d’avoir mauvais goût ce qui n’était pas prouvé scientifiquement, je suppose qu’ici, c’est le même genre d’excuse! L’homme a toujours une bonne excuse pour faire souffrir que ce soit humains ou animaux! Gaïa a fait campagne contre ça, a été trouvé les agriculteurs, etc… car il existait un vaccin. Une piqure et hop fini plus besoin de couper les testicules à vif. Oui, ça coûte un peu plus cher. Connaissez vous tout ce qu’on fait subir aux animaux dans le monde entier? Non, je ne pense pas.
    Oh et je précise que je ne porte ni laine de mérinos, ni laine d’astrakan, ni cuir, ni fourrure. Je ne rêve pas et je sais que l’homme restera carnivore (logiquement, il est omnivore) encore très très longtemps! Non, je ne mange pas de viande, ni foie gras, ni pattes de grenouilles (arrachées à vif et grenouilles relâchées dans cet état). Renseignez vous donc sur tout ce qu’on fait aux animaux dans le monde! Votre article est choquant!

    1. Bonjour Chantal et merci de votre message !

      Désolé que vous trouviez mon article choquant: il n’est que le reflet d’une vie quelque part au fin fond de la Nouvelle Zélande. Je ne doute pas que cette méthode soit cruelle mais c’est, dans le contexte où elle se déroule, la seule applicable d’un point de vue logistique.

      Maintenant, autant être honnête avec vous: avant de m’interroger sur les souffrances (réelles) que subissent les animaux d’élevage, j’avoue que mon intérêt se porte d’abord sur mes confrères humains.

      Est-ce de l’indifférence ? Du désintérêt ?
      Je n’en sais franchement rien.

      Je pense juste qu’avant de songer à la façon dont sont traités les moutons, il y a surement des combats plus… primordiaux à mes yeux, ne serait-ce qu’en bas de chez moi.

      Votre commentaire est intéressant, je trouve juste dommage que vous tombiez dans certains écueils facilement évitables en me cataloguant.

      Cordialement,

  2. Merci de m’avoir répondu. J’apprécie car bien souvent mon com est effacé. 😉

    D’accord, j’ai sans doute été un peu dure avec vous. Pour moi, comme je l’écris, toute vie est importante et toute vie mérite d’être défendue.

    Je peux vous dire que je ne suis le genre de voisine qui fermerait les yeux sur une femme battue ou des enfants battus. Il y a beaucoup trop de tristes histoires en Belgique ces dernières années. Et ça aussi dans certains pays lointains, c’est bien pire que chez nous et c’est aussi leur façon de vivre mais pourtant, on se bat pour ces femmes et ces enfants.
    Vous dites que la technique de l’anneau est impossible vu le nombre de bêtes mais il suffirait de leur mettre l’anneau dès la naissance. Pour le reste, un coup d’antiseptiques avant, un coup après et alors? Les agneaux sont relâchés tout de suite avec une plaie pas soignée? Ou un veto vient pour tous les soigner?
    Savez vous qu’avant un mouton mérinos ou autre, perdait sa laine naturellement, pas besoin de tonte parce que la tonte aussi, ils sont plutôt brutes et les plaies existent. Un petit changement génétique et hop, une plus grande quantité de laine.
    Pourquoi je me bats pour les animaux, je suis contre les élevages en batterie bien sûr mais il y a aussi le massacre des dauphins dans la baie de Cove, au Japon, le massacre des chiens et des chats dans certains pays asiatiques où on les mange, croyez moi, c’est encore pire que chez nous, le massacre des requins, des baleines par les japonais, les espèces en voie de disparition à cause des trafics (rhino, éléphant, tigre, etc…) et à parce qu’on leur vole tout leur territoire pour la plantation de l’huile de palme. Disparition des orangs outan dont certaines femelles sont prostituées pour les ouvriers. Les maltraitances animales sont partout, dans le monde entier, prennent tellement de visage tout comme la maltraitance envers l’être humain.
    Pourquoi lutter contre la maltraitance animale? Parce que dites vous bien qu’un homme ou une femme (et oui fini la petite femme gentille et sensible) capable de maltraiter un animal comme ça, par envie (je ne parle plus des moutons là) sont aussi capables de faire du mal à leurs semblables. Même de jeunes enfants s’y mettent, c’est très amusant d’attirer un chien ou chat errant dans une flaque d’essence ou autre et y mettre le feu, ou mettre des pétards dans la gueule d’un berger allemand, ou jouer au foot avec des chatons, … Ils ont entre 10 et 15 ans. Moi, ça me fait peur pour le futur!
    Désolée, j’écris beaucoup trop! 😉

    1. Ravi de vous voir revenir par ici.
      La censure ne faisant pas partie d’ici, il est normal que j’ai publié votre commentaire 🙂

      Vous dites que la technique de l’anneau est impossible vu le nombre de bêtes mais il suffirait de leur mettre l’anneau dès la naissance. Pour le reste, un coup d’antiseptiques avant, un coup après et alors? Les agneaux sont relâchés tout de suite avec une plaie pas soignée? Ou un veto vient pour tous les soigner?

      3000 têtes qui vivent en liberté dans un domaine monstrueusement grand: contrôle impossible des naissances. Le cheptel est contrôlé à intervalles réguliers par la famille, lors de journées entières et autant que faire se puisse.

      L’antiseptique est mis avant ET après et les agneaux sont relâchés de suite dans la nature, le fermier faisant office de vétérinaire (pour rappel, cette expérience se déroulait dans la NZ profonde, à une matinée en bateau de la première ville !).

      Savez vous qu’avant un mouton mérinos ou autre, perdait sa laine naturellement, pas besoin de tonte parce que la tonte aussi, ils sont plutôt brutes et les plaies existent. Un petit changement génétique et hop, une plus grande quantité de laine.

      Je sais qu’un mouton perd sa laine. Par contre, je sais aussi qu’il est important de la tondre au bon moment pour ne pas la gâcher: les fermiers vivent de la vente de cette laine et ne peuvent se permettre d’attendre qu’elle daigne tomber d’elle-même. Dans le cas présent, en outre, la répartition du troupeau ne permet pas de telles méthodes (sans parler des problèmes logistiques pour la récupérer après aux quatre coins du domaine !).

      J’ai tondu des moutons (très mal…) et j’ai vu des pros le faire: une minute et zéro plaie. Cela fait partie de leur contrat de ne pas malmener les animaux et, s’ils le faisaient, ils seraient renvoyés illico presto.

      Pour le reste, votre combat est aussi noble qu’un autre et je serais bien mal placé pour le juger/critiquer/évaluer !

  3. Je me suis naïvement demandé ce que pouvait être ce bout de chair pendue… J’ai lu un peu l’article et… Oh l’envie de manger m’est passée d’un coup d’un seul ^^

    Merci pour cet article et pour mon régime! 😉

  4. Hummm… Je suis actuellement au fin fond de l’Islande dans une ferme pleine de moutons (et de chevaux), et on ne m’a parlé d’écouiller personne pour l’instant… Mais j’imagine assez bien la chose !
    Ah, les joies du volontariat !

    (j’aime beaucoup le début aussi, le bateau postal et le ponton au milieu de nulle part 🙂

  5. Honteux que cet homme puisse écrire ça!je lui souhaite tout le mal qu’il a fait à ces bêtes!quecDieu le damné et le maudisse sale bete humaine!les bêtes valent mieux que toi!!!!

  6. Du coup vous avez arraché un seul testicule sur 1200 (600 agneaux) ?? Quel poids font leurs couilles ? Sinon combien de couilles vous à t-il fallu pour votre omelette ? j’aimerai bien la recette par mail !!

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