Si vous suivez régulièrement ce blog, vous n’êtes pas sans savoir que j’ai vach’ment tripé en Nouvelle Zélande entre 2011 et 2012. Vous n’êtes pas sans savoir non plus que j’ai passé environ 5 mois et demi sur les routes, parcourant surement plus 5000 bornes en stop autour de l’Ile du Sud. Vous savez bien, de même, le panard titanesque que j’y ai pris et la folle envie que j’ai de recommencer. Ce que vous ne savez peut-être pas, cependant, c’est la façon dont cette aventure (autant humaine qu’automobile) a commencé et comment je me suis lancé dans le monde merveilleux et fascinant du Hitchhiking. Mon dépucelage de l’autostop: c’est l’article de ce jour !
Pour la petite histoire
Au moment de quitter Wellington la délicieuse où je résidais depuis deux mois, je n’avais strictement aucune idée de mon planning futur. Tout ce dont j’avais conscience en montant sur le ferry vers la South Island, c’est que je m’apprêtais à vivre un truc forcement génial, définitivement casse-gueule et absolument pas programmé. Le début de ce foutoir était quand même (un tout petit peu) balisé: un HelpX d’une semaine de prévu au fin fond de Wilson Bay, accessible seulement en bateau postal depuis Havelock et basta. A part ça, nada, queudchi, le désert de Mongolie et le Sahara réunis ensemble sur mon calendrier pour mon plus grand bonheur.
Cela faisait quelque temps que je me demandais comment j’allais me déplacer le long des routes. Sachant que l’option train est inexistante, que mon permis Made In Yukon avait plongé l’administration locale dans un abîme de perplexité et que je ne voulais en aucun cas utiliser les bus, la solution s’est présentée aussi logiquement que naturellement: l’autostop serait la voie et ranafoot si j’étais puceau absolu en la matière.
En effet, quoi de mieux qu’un Voyage pour tenter de nouvelles expériences, pour expérimenter des premières fois ?
Seul, tout seul
Pendant la traversée jusqu’à la riante bourgade de Picton, j’ai très vaguement tenté de nouer le contact avec des covoyageurs. Ayant récolté quelques conseils et une proposition de lift jusque Blenheim, je me suis dit, finalement: « Tant qu’à être con, autant l’être à fond et risquer le cool: let’s go ! » (en effet, passer par ce bled me faisait faire en réalité un sacré détour et je voulais tracer mon chemin aussi vite que possible…).Refusant donc l’offre généreuse, je suis sorti récupérer mon sac et j’ai repéré la route qui me branchait, la légendaire « Queen Charlotte Drive », une succession sinueuse de virages acérés en bord de falaise, aussi belle que peu fréquentée.
Avec mon gros barda, je me suis donc posté là-bas, juste à gauche du cliché, sur le petit bout de route partant dans le lointain, armé de mon espérance dans la foi humaine, d’une bouteille d’eau et de mon pouce tendu vers l’inconnu…
Just waitin (but not too long)
Je dois avouer, en toute innocence, que je ne croyais vraiment pas en mes chances de réussite. J’avais certes entendu dire, de ça et là, que la Nouvelle Zélande était un vrai paradis pour l’autostop et que c’était un mode de voyage ultra répandu dans le p’tit milieu des backpackers itinérants. Pour autant, même lorsque vous êtes un Cédric ayant vécu au Yukon, vous vous demandez quand même si c’est quand même bien sage, cette idée de vouloir bourlinguer à la nawak, en comptant sur la bonne étoile et le bon vouloir des conducteurs…
Après dix minutes d’attente, seules deux voitures étaient passées, toutes deux conduites par des charmants jeunes hommes souriants qui se sont excusés de ne pouvoir me prendre, avec moult regrets et désarroi (enfin je crois…). Puis, sans transition aucune, la lumière est venue, en la personne de Karl, un allemand d’une quarantaine d’années faisant le tour du monde depuis dix ans environ. Ma première impression, en voyant la voiture s’arrêter, fut « Bah merde, ça marche vraiment cette connerie ». La seconde: « Je lui dis quoi ? ». Puis la troisième: « Et qu’est ce que je fais si je tombe sur un psychopathe névrosé découpeur de petits enfants ? »
En fait, je n’ai pas eu le temps de gamberger: ledit Karl s’est arrêté, s’est enquis de ma destination et m’a dit « Come on ! », avant de descendre ouvrir son coffre et me donner un coup de main pour charger les bagages.
Travelling is happiness
De ce premier voyage en autostop, long d’une vingtaine de minutes, je ne garde que peu de souvenirs visuels. Je me rappelle par contre des bribes de conversation, des histoires de lion, de décapitation en Arabie Saoudite et de requins en Australie. L’échange que nous eûmes avec mon allemand de conducteur fut agréable, courtois et rieur. Lui, vieux baroudeur, m’enseigna quelques petites techniques pour bien se placer, pour ne pas effrayer, pour mettre le maximum de chances de mon côté. Moi, jeune néophyte de la chose, je pris des notes, acquiesça et le relançait dès que possible pour ne pas perdre une miette de ses passionnantes histoires.
Aujourd’hui, avec le recul, je me rends compte à quel point cette rencontre a été déterminante pour la suite de mon voyage au pays des Kiwis. Ne pas avoir attendu trop longtemps, être tombé sur un mec sympa, avoir pu échanger de suite dans un anglais plus que correct: tout cela m’a mis dans une belle confiance et m’a prouvé, par A+B divisé par C que non, ce mode de voyage n’était pas réservé aux autres et que, moi aussi, je pouvais en profiter.
Je ne sais pas ce qui se serait passé si je n’avais pas été pris ce jour-là. Serais-je resté à Picton encore et encore ? Aurais-je acheté, en pleurs et honteux, un pass de bus pour vadrouiller dans le pays en compagnie d’une horde de touristes soiffards, gueulards et grossiers ? Aurais-je repris le ferry, direction Wellington puis mon auberge et un cybercafé d’où j’aurais consulté un site afin de retourner au plus vite vers la France ?
Je ne sais pas et je pense, bien sur, que je n’aurais jamais la réponse à cette sibylline question. Ce que je sais, par contre, c’est que ce choix, assumé et délibéré, de bourlinguer en stop, fut l’une des meilleures décisions de ma vie et m’a apporté énormément de choses qui ne sont pas qualifiables ni formalisables. Sans tomber dans l’apologie ni le prosélytisme, je considère quand même que l’autostop est une école de la vie, enrichissante, émouvante, ardue et parfois difficile mais qui récompense toujours au centuple.
Le fin mot
5 mois et demi plus tard, après avoir parcouru quasiment chacune des routes carrossables de l’ile, je suis retourné, par un petit matin pluvieux d’automne, prendre le ferry. Je laissais derrière moi des aventures, des rencontres, des moments d’une intensité rare et des souvenirs d’une beauté absolue. Pourtant, nulle tristesse ne m’a envahi quand j’ai embarqué pour Windy Welly, Welly la belle: j’avais fait mon temps et ma dernière session de stop m’avait montré que j’avais atteint les limites ultimes de ma patience, que mon quota de chance puisait dans ses dernières réserves. J’ai retenté depuis, l’expérience du Stop: sur les routes des Highlands, sur les pavés des Shetlands, dans les rues d’Ile de France. J’ai retrouvé mes vieux réflexes, mes vieilles sensations et retrouvé le plaisir que je croyais enfoui.
Que dire de plus, donc, qui n’ait été déjà dit ?
Juste qu’on ne sait jamais où peut vous emmener un pouce tendu et que cela est juste merveilleux !