Votre mission, si vous l’acceptez, sera de parcourir le chemin reliant Wanaka à Te Anau sans bourse délier en utilisant au maximum les ressources locales, favorisant se faisant les rencontres et l’immersion dans un milieu purement anglophone (ou germanophone, c’est selon).
Vous passerez obligatoirement par Queenstown, Athol et Mossburn, sans aucun autre chemin possible.
Si vous veniez à être baladé dans un endroit imprévu, nous nierons avoir connaissance de vos activités.
Ce message ne s’autodétruira pas.
Wanaka. Le nom sonne océanien et évoque des idées de rugby, de Maoris et de montagnes. La petite soeur de Queenstown m’a accueilli 4 nuits, dans son atmosphère démentiellement mortelle une fois la nuit tombée, dans la chaleur crade d’un été sans pluie, sous les auspices hypocrites de l’exploitation outrancière des Workers for accomodation, devant récurer sans jamais faillir les amoncellements de merde déposés là par les touristes enivrés.
Je pars pour Te Anau, là où j’aurais pu, où j’aurais du aller 15 jours auparavant mais dont je me suis éloigné pour une de ces raisons stupides appelée bassement Connerie, Tourisme, Vacances.
Posté en bord de route, c’est un tapissier qui s’arrête en premier et me donne un lift de 3 kilomètres pour me déposer en dehors de la ville, à un croisement poussiéreux où convergent les routes et les destins, certains allant vers l’ouest, d’autres vers le sud. Je prends pour ma part la voie du bas, repoussant à plus tard l’appel Légolasien de l’Amer.
Quinze minutes passant, c’est un charpentier en goguette et tout de salopette vêtu qui m’embarque dans sa camionnette à destination de Crowmwell la déserte. Nous devisons de la bonne marche du monde, des concours de chiens de berger et des perspectives de sa journée de travail dont la fatigue à venir se lit déjà dans son regard, teinté d’un voile opaque dont je ne sais pas trop s’il est du aux effluves de ses produits ou à une surconsommation de substances prohibées.
Vite déposé sur le parking d’un marché pas super, hanté par des cohortes de touristes nippons, j’observe et j’attends, patiemment posté le long de la Highway, qu’une voiture daigne s’arrêter pour que je continue ma quête intérieure, ma randonnée intime, mon chemin de Croa, comme disent les grenouilles.
Après une grosse quarantaine de minutes, c’est un Alpha sans roméo qui m’alpague et nous casent, moi et mes sacs, dans une petite voiture déjà remplie de deux charmantes asiatiques, malaisiennes de leur état. L’Alpha en question s’avérant être un collègue de la Verte Erin, notre discussion s’engage vite sur le pays, le voyage, la vie. Nos amies bridées nous regarde d’un air goguenard, mi-moqueur et mi-sérieux, tout en s’échangeant de temps à autre une bordée de mots incompréhensibles pour nous autres (mais qui s’avéreront être, après explications, des détails sur le paysage nous entourant).
Lâché à Queenstown selon mes désirs, dans cette ville où l’argent règne en roi, Dallas de l’Otago, et où le tourisme fait office de Derrick à Dollars, je me dépêche de m’enfuir, effrayé par les suceuses de flouzes que sont les réclames publicitaires, prêtes à me faire dégorger jusqu’à la dernière petite goutte de semence financière pour un simple envol au premier ciel ou un chute élastique au fond d’un abime.
Alors que je pensais être pris dans la minute comme à ma dernière tentative, c’est ce coup-ci une heure que j’attends, recouvert de la poussière soulevée au gré des roues, balayé par le vent des poids-lourd et maltraité par mon égo, me demandant si ma face hirsute d’homme chevelu et barbu fait peur aux Al Locaux des Tavernes locales.
C’est de facto une charmante quinquagénaire pas bulgare qui m’a recueilli alors que je commencer à sombrer dans la dépression du voyageur bloqué. Et il s’est avéré que cette vigoureuse pré-retraité, ancienne fermière de son état, a parcouru lors de sa jeunesse, au siècle précédent, les routes bitumées du Yukon et de l’Alaska à la tête d’un convoi d’une quarantaine de RV, chose dont je me suis extasié à voix haute et honni dans ma tête. Plus fort encore, elle a reproduit le même schéma ici-même, faisant se rallier à Auckland une folle bande de tracteurs amenés tout droit depuis Invercargil et ayant voyagé ainsi à travers les deux iles.
Heureux de la rencontre, c’est pimpant que je me retrouve buvant un café à 5 Rivers, dans la dernière ligne droite avant Te Anau.. Seul souci: les nuages accumulés, non pas au dessus de ma tête, mais bel et bien dans le ciel soudain ténébreux d’HobbitLand et ayant décidé brusquement de déverser leur trop plein de liquide au moment exact de ma sortie du lieu.
Maudissant et jurant de plus belle, dressant un point vengeur et insultant Taranis comme le Gaulois moyen, mon salut est venu de l’absolument pas gironde serveuse qui m’a proposé fort galamment, au sortir de sa journée de turbin, de m’amener jusque Mossburn d’où les probabilités de trouver un lift et un shelter étaient acceptables.
Arrivé au lieu idoine, sous la pire averse subie en 5 mois, c’est en courant que je me réfugie dans ce qui ressemble très vaguement à un arrêt de bus, profitant des 3m² sec pour poser mon foutoir et tenter de faire s’arrêter une voiture sans me mouiller (c’est le cas de le dire).