Entre Saint-Valéry-sur-Somme et Mers-les-Bains, j’ai eu le bonheur d’emprunter le sentier du littoral à plusieurs reprises au mois d’octobre. A chaque fois seul, croisant plus de vaches et de moutons que d’êtres humains. Voici, tronçon par tronçon, le carnet pas pratique de cette balade côtière samarienne, réalisée en trois sessions distinctes : la première de Saint-Valery au Crotoy, la seconde de Cayeux-sur-Mer à Ault et la dernière de Ault à Mers-les-Bains.
Le sentier du littoral
Le topo de la rando
Partant de la Maye au Crotoy jusqu’à Mers-les-Bains, le sentier du littoral passe le long de la Baie de Somme, les falaises d’Ault et le bois de Cise. Il reprend sa route du haut du Tréport en direction de Criel-sur-Mer (puis du Havre), passant du GR 120 au GR 21.
Les choses à noter avant d’y aller
En étapes et en prenant son temps, c’est tout de suite mieux. Et avec des chaussures de randonnée, c’est même vraiment plus conseillé.
De Saint-Valéry-sur-Somme au Crotoy
J’ai bien aimé Saint-Valéry-sur-Somme. Presque la cité tutélaire de la baie et une chouette petite bourgade pleine de charme et vraiment tranquille une fois la haute saison terminée. Cependant, aussi sympathique soient les Valéricains, c’est vers le Crotoy que je dois aller. Juste là-bas, de l’autre côté de la Baie. Cette même Baie que je cherche désespérément à traverser d’une façon ou d’une autre. Or, il se trouve qu’aucun guide ne fait cet itinéraire ce jour-là. Ou plutôt si, ils le font mais en boucle. De Saint-Valéry à Saint-Valéry et du Crotoy au Crotoy. Parce qu’aucun train du CFBS ne circule en-dehors du week-end en cette saison.
Du mouvement à l’horizon brise un peu la monotonie du paysage, qui semble se dérouler à l’infini, n’étant réellement bouleversé que quand les flots s’en mêlent, quand les flux s’emmêlent.
Que faire donc en ce cas ? Il faut oublier le bus parce que le bus, y en a pas (ou si peu). Il faut oublier le vélo parce qu’il n’y aucun moyen de l’emprunter ici et de le rendre là-bas. Il faut oublier la voiture. Une fois tout cela oublié, back to basique : la marche, la randonnée, la balade. Onze ou douze kilomètres peu ou prou. Deux ou trois heures peu ou prou.
Cela ne fait pas si longtemps que j’ai cheminé ainsi avec mon sac sur le dos. C’était dans la Bruche. Ici, cependant, pas le même décor ni la même ambiance que les Vosges sous la neige. A vrai dire, elles me manquent un tantinet mes Vosges parce que, une fois sorti de Saint-Valéry, c’est un peu tout le temps la même chose : à droite des rails, à gauche la Baie avec ses moutons, ses huttes, ses étangs et son chemin. De temps en temps, du mouvement à l’horizon brise un peu la monotonie du paysage, qui semble se dérouler à l’infini, n’étant réellement bouleversé que quand les flots s’en mêlent, quand les flux s’emmêlent. Je vois des moutons, un berger, des chasseurs, des oiseaux, de l’eau, des traverses, une voie de chemin de fer, des chevaux, d’autres moutons, d’autres chasseurs. Le tout se mélange au gré des secondes pour mieux se désassembler.
La dernière ligne droite, pour rejoindre la promenade Manessier, semble n’en plus finir, sur une piste tellement cyclable que je regrette de ne pas avoir de vélo. Faisant fi de l’ampoule qui s’allume sur mon talon, je boucle le parcours dans le temps prévu : plus de deux heures, moins de trois heures. Et avec l’envie d’en voir un peu plus, de ce sentier du littoral. Et si Baie, c’est un mot qu’on dirait inventé pour lui, il a encore de belles choses à offrir, apparemment !
Interlude ferroviaire et enfumé
(à base de tchou tchou tchou)
C’est un petit train qui se promène le long de la Baie, entre Saint-Valéry, Le Crotoy, Noyelles et Cayeux. Il va et vient, enfumant le paysage de ses blancs panaches et faisant retentir dans les airs le sifflet de la locomotive. Dans les wagons d’antan, sur des sièges en bois qui ont vu défilé dés fesses, on pose son séant et on regarde défiler le paysage, lentano et bellissimo.
C’est le voyage en train, le voyage samarien, le voyage entre tout et rien, un peu tout-terrain, sous des airs presque vénitiens.
Et puis, si on a envie, on peut monter dans la première voiture et se mettre là, juste derrière les mécanos. On se fait un peu discret, pour observer et attraper au vol les échanges d’un autre monde où il est question de soupapes, de pression, de chaudière et de charbon. Les gestes sont rituels, assurés. La main tire sur la corde pour faire rugir Dame Loco et le tacatac des roues indique le moteur se met lentement en branle. La vitesse atteinte ne sera jamais celle d’un rapide mais plutôt celle d’une lenteur assumée, revendiquée. D’un retour avant, quand la France était striée de lignes et que les voyages en train étaient une épopée, une odyssée, une aventure.
Alors, dans ce train aux wagons parfois helvétiques, surement étonnés de passer des pentes alpines aux plaines samariennes, on sourit, on parle de façon un peu feutrée, sans hausser la voix. On s’imagine dandy et dame à la mer, pique-niquant sur une nappe à carreaux cirées en attendant l’arrivée à la gare. La parenthèse dure le temps d’un songe, de volutes et de saluts aux ruminants étonnés. C’est le voyage en train, le voyage samarien, le voyage entre tout et rien, un peu tout-terrain, sous des airs presque vénitiens. Et qu’est ce que c’est bien !
De la Pointe du Hourdel à Ault
Au loin, de l’autre côté, des phoques paissent. Ou plutôt se reposent. Voire même prennent la pose, leur pause. Bref, ils vivent leur meilleur vie de phoque, fussent-ils gris ou marins. Et moi, je regarde les gens qui regardent les phoques, tout comme les vaches regardent passer les trains. Je suis venu en vélo depuis Cayeux, après une petite sortie matinale le long de la Vélomaritime, une aimable mise en jambe d’une quinzaine de bornes, auxquelles s’ajoutent donc celles entre Cayeux et le Hourdel, via un phare, un bunker posé sur un coin et nos phoques. Et une piste d’une remarquable droititude. Exemplaire même. One direction and that’s all, 7 bornes aller, 7 bornes retour, 7 une belle histoire !
Le lendemain matin, le vélo n’est plus là et j’ai une grosse dizaine de kilomètres à parcourir pour rejoindre Ault, toujours par mon sentier du littoral. Que dire de cette portion si ce n’est qu’elle m’a laissé de pierre… ou plutôt de galets puisqu’on longe, sur toute la longueur du trajet, une digue avec des galets, qui surplombe une plage de galets. Parce que ce n’est pas pour rien que Cayeux est la capitale mondiale du galet, il faut donc bien galet-ré pour s’en apercevoir, du moins du côté droit de la route. Parce que du côté gauche, on passe par le Hâble d’Ault et sa réserve de chasse rempli de piafs, qui ont bien compris qu’ils avaient tout intérêt à camper ici pour éviter de se faire flinguer ailleurs.
Un peu plus loin sur la route, on croise aussi les restes d’une ancienne habitation, laissés là pour montrer que la mer va et vient, que le rivage bouge, se déplace. Que rien n’est immuable en ce bas monde. Et on trouve aussi une drôle d’idole païenne. Et tout ça avant de se prendre les falaises d’Ault en pleine gueule, d’un seul coup sans prévenir. Et les façades incroyables des villas Belle Epoque, aussi. Et les panoramas d’Ault, par la même, ce qui donne envie de chanter Aller plus Ault tout le temps. C’est marrant d’ailleurs Ault comme ville. Vallonée et avec une concentration de points de vue absolument inégalable. Avec des falaises et des promontoires. Et plein de jeux de m’Ault abs’ault-lument imp’ault-ssible à ne pas caser.
De Ault à Mers-les-Bains par Cise
Faire deux fois la même randonnée en deux jours : c’est la vie que j’ai choisi de vivre par moments. Comme lorsqu’il me faut créer une trace GPX pour un guide. Entre Ault et le Bois de Cise par exemple. Secteur que je fais dans chaque sens avec, en point d’orgue, le redoutable passage du Deuxième Val et ses pentes abominablement boueuses, glissantes et toboggantesques. Cependant, quelle beauté que ce coin et, pour la première fois depuis le début de mes promenades le long du littoral, j’apprécie réellement d’être là. D’avoir ce sentier du littoral pour moi tout seul et de ne croiser personne. Absolument personne (à l’exception d’un couple d’allemands ? De hollandais ? Qui voulaient vraiment trop s’approcher du bord de la falaise et à qui j’ai vertement expliqué que l’idée était mauvaise, sauf à vouloir se suicider).
Et donc, le Sentier du Littoral s’en va d’Ault en toutes saisons (et quand il y a de l’orage, Ault tonne), en serpentant là-haut, après être monté par ici. Et il suffit de suivre attentivement le balisage plutôt que la trace indistincte pour ne pas se perdre. En faisant attention aux Vals. Aux marches de l’escalier à Cise. Et à la boue. Redoutable la boue, dans le secteur entre Cise et Mers. Plus que redoutable : infernale. Elle transforme l’ascension de simples pentes en véritable varappe. Quant aux descentes, elles pourraient faire de très convenables pistes de bobsleigh. En boue, certes.
Et à part ces passages, la solitude. Le meuglement lointain des vaches. Deux moutons égarés. Des rapaces qui veillent depuis leurs piquets. Des bouses. Et l’arrivée à Mers-les-Bains, aux Villes Sœurs. Au Tréport, où je n’étais pas venu depuis une rupture en 2007. Et qui n’a pas tellement changé en fait, à l’exception du super funiculaire qui monte et permet de retrouver le Sentier du Littoral et une vue merveilleuse, désormais normande et plus du tout des Hauts-de-France : une autre aventure à suivre, peut-être !
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