Paris (et cætera)

Parce que MON Paris, c’est ça.

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Enfant de la capitale, né et élevé dans le 14ème arrondissement, j’entretiens avec ma ville natale une relation tumultueuse, compliquée, dure à définir et à appréhender. Plus d’une fois, j’ai cru tourner la page pour de bon. Au moment de chaque départ un tantinet définitif, lorsque je ne ne plaquais rien du tout, c’était des adieux que je jurais éternels, des intentions de ne jamais revenir gravées dans un marbre étonnamment friable. A chaque retour, c’était la même histoire, la même rengaine : je ne fais que passer brièvement car, de toute façon, tu n’es pas pour moi, Paris. Mais non. Paris, encore et encore, réussissait à me charmer, à me conquérir de nouveau, à me séduire, ne me montrant que ses bons côtés en faisant fi des mauvais. Et c’était reparti pour un tour de manège, de montagnes russes sinusoïdales.

Il y a eu le 14ème, le 13ème, la sédentarité conjuguée à deux, une naissance, un déménagement et un immense changement de vie, un jour de février 2020, à l’aube d’une pandémie et de confinements successifs.

J’ai laissé, pour de bon et pour longtemps, Paris derrière moi.
C’était fini, Panam’. Adios, ciao, hasta la vista.
Pour de vrai et si simplement ?
Bien sur que non !

Le vrai tourisme de mémoire

Hier, pour aller à l’IMM (un salon qui permet de rencontrer des destis et de caler des reportages, grosso-modo), je suis descendu à Bonne Nouvelle au lieu d’Opéra. Parce que j’étais trop en avance, que je voulais marcher un peu et prendre le temps. Et, évidemment, à peine le nez dehors, ça n’a pas manqué : les souvenirs, partout.

Je revis, à chaque pas, mon histoire. Je voyage sur mes propres traces, pèlerin volontaire en cheminement ininterrompu. Je sais que je sais. Je me souviens, me rappelle, me remémore. J’ai Paris dans les veines, dans le sang. La capitale comme gravée en moi.

Ce n’est pas ma faute mais d’avoir tellement sillonné les rues de la ville, j’ai des anecdotes partout qui poussent, foisonnent, fleurissent et renaissent quand je passe dans le coin. Rien que pour le Rex, je pourrais écrire un roman : les parcours avec mon amoureuse des 90’s, les séances offertes avec les places de ma mère, la dernière projection avant le départ, la claque enfantine devant la féérie des eaux avec le centre de loisirs (et la Petite Sirène), Piou Piou sur la grande scène, mes siestes devant un Harry Potter. Et encore, je ne fais que dans le très superficiel parce qu’entre les deux bornes – peu ou prou – entre les deux stations, c’est un festoche.

Genre, le Max Linder, ça sera à lui tout seul le second Tome de mes mémoires sur ce bout de rue. Ce cinoche est tellement lié à mon histoire personnelle que je crois y avoir bu ma première vodka (à l’avant-première de Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes, désolé Papy, j’ai confondu ton verre avec le mien), vu Stars Wars la Menace Fantôme en avant-première (avec un Storm Trooper qui a allumé un énorme pet’ de beuh dans la file d’attente aux côtés d’un Yoda hilare) et emmené une litanie de potes voir des films de tout genre, depuis Terminator 3 jusqu’à 8 femmes.

Et ce genre de souvenirs en open-bar mémoriel, c’est mon quotidien dès que je marche à Paris en solo. Je regarde, je me souviens et je souris. Je sais que cette rue précise offre une vue de ouf sur le Sacré Coeur. Je sais que dans ce passage, il y a une librairie démentielle. Je sais que c’est dans ce restaurant que nous sommes allés avec #DeT un soir de 201X manger un burger dégueu après une bonne pelloche. Et ainsi de suite, et cætera, et cætera.

Je revis, à chaque pas, mon histoire. Je voyage sur mes propres traces, pèlerin volontaire en cheminement ininterrompu. Je sais que je sais. Je me souviens, me rappelle, me remémore. J’ai Paris dans les veines, dans le sang. La capitale comme gravée en moi.

Picorer les plaisirs

Il y a les souvenirs, qui m’assaillent comme l’odeur de l’épice sur Dune (ou des pisses dans certaines ruelles bien trop fréquentées, c’est selon). Mais il y a aussi ce charme qui n’appartient qu’à Paris, que je n’ai jamais trouvé ailleurs et que je regrette souvent : la culture et les références historiques, partout, partout, partout.

Je n’ai de cesse de les rechercher, ces petites plaques, ces mentions anodines qui racontent que tel auteur a vécu ici, que tel évènement historique s’est déroulé là. Je suis à chaque fois émerveillé, ravi et surpris d’en trouver de nouvelles, que je ne connaissais pas. Ainsi, la dernière fois, ce fut un moutardier et la maison natale d’Edith Piaf. Ce coup-ci, ça a été Offenbach et les frères Lumière. Et je sais que, où que je sois, je vais trouver quelque chose de nouveau, d’inattendu.

Là, c’est l’orgie, le all-you-can-eat des références historiques. On se gave, on bave et on redemande, maison après maison, personnage historique après personnage historique.

Cet inattendu est d’ailleurs quelque chose que je prends autant de plaisir à picorer qu’à offrir en partage à celles et ceux qui m’en font la demande. Ils sont ainsi nombreux que j’ai mené dans mes pérégrinations du 13ème, dans des parcours sans queue ni tête, avec un peu de street-art en fil rouge et des anecdotes déversées au gré des rues. La première usine automobile de France. La petite ceinture. L’histoire des Olympiades. Les Gobelins. Le QG de la Résistance : on ne soupçonne pas la richesse infinie de Paris et de tout ce que la ville offre sans contrepartie dès qu’on lève les yeux au-dessus de l’horizon !

Et si cela est vrai pour le 13ème, imaginez ce qu’il en est dans des quartiers plus historiques comme l’île de la Cité, Saint-Louis ou le Marais. Là, c’est l’orgie, le all-you-can-eat des références historiques. On se gave, on bave et on redemande, maison après maison, personnage historique après personnage historique. L’Histoire défile devant nos yeux et sous nos pieds, dans un décor qui ne doit pas avoir tellement changé.

D’ici à là, s’offrir le temps

Mes passages à Paris étant devenus rares, j’essaie de rentabiliser – mot horrible mais pourtant circonstancié – le temps que je passe sur place. J’allonge raisonnablement mes séjours, squattant un lit où je sais être le bienvenu, grapillant quelques heures dans un bar ou dans un autre, à refaire le monde avec les potes de toujours.

C’est comme ça et pour ça que j’ai décidé de me faire le plus beau cadeau possible pour un 14 mars 2024 à Paris : m’offrir du temps à moi, rien que pour moi. Et en faire ce que je veux, comme je le veux.

Et s’en vient alors le temps du retour, vers la Gare du Nord et mon TER amiénois. C’est alors l’occasion d’un petit rituel que je mets en place à chaque fois, autant que faire se peut : retourner à pied à la Gare, quelque soit l’endroit où je me trouve. Je l’ai fait depuis la porte de Choisy, Saint-Paul, République, Porte des Lilas ou Place des Fêtes. Ma boussole interne n’étant pas trop rouillée, j’arrive encore à savoir vers où me diriger pour ne pas trop me perdre, ne pas trop errer. Ce qui n’empêche aucunement d’emprunter tous les chemins de traverse que je trouve.

Ainsi, il était quoi ? Dix heures ? Dix heures et demie ? Je sortais de la maison d’un auguste Comte. J’avais autant la vie qu’un planning vide devant moi, avec l’envie de marcher, de me balader, de me promener. C’est comme ça et pour ça que j’ai décidé de me faire le plus beau cadeau possible pour un 14 mars 2024 à Paris : m’offrir du temps à moi, rien que pour moi. Et en faire ce que je veux, comme je le veux.

Du coup, j’ai salué un archange en sa fontaine. Souri en mettant en Seine. Contourné Saint Jacques et regretté une Mona Lisante. Laissé au loin Pompidou. Salué cette école où j’ai bossé pendant un an. Longé Rivoli avant d’emprunter la rue du roi de Sicile avec son pub hollandais et sa librairie italienne avant d’hésiter entre la place des Vosges et le Boulevard Beaumarchais, pour mieux me diriger en réalité vers le Pavillon de l’Arsenal via le Dindon en Laisse. De là, j’ai remonté Henri Quatre et mes souvenirs de jeunesse. J’ai laissé Richard Lenoir à main droite et découvert que les magasins de photos ne sont plus légion dans le coin. J’ai traversé Répu’ la piétonne pour squatter Magenta. Une vingtaine de minutes plus tard, j’avais l’est à droite, le nord à gauche et mon marché couvert préféré devant les yeux. Mais j’ai préféré tenter le diable, qui me chuchotait à l’oreille d’avoir lire les recommandations de Guillaume aka 716LaVie aka Le mec qui déniche les meilleurs plans improbables de Panam. Et du coup, j’ai découvert Little India, derrière la gare du Nord. Et j’ai mangé tamoul. Et j’ai souri en sortant

Parce que, putain, il est là le Paris que j’aime. Un peu cabossé, un peu chaotique, un peu bordélique. Surprenant, décalé, cosmopolite, international. Fêtard, grognon, souriant, bougon. Qui fait sourire, se retourner, s’arrêter. Qui donne l’envie de revenir sans vouloir pour autant y vivre. Une ville qui ne dort que si peu, qui ne laisse pas indifférent, qui fait rêver. Et qui fait écrire, encore, encore et encore.

Toi et moi, Paris, on n’en a pas fini.
Et c’est tant mieux !