Cigogne dans un champ

Le long de ma ligne : deux balades ferroviaires en Alsace.

Tout commence un matin de février 2009, sur un canapé au Yukon. Je roupille du sommeil du juste, après une longue, enfiévrée et enneigée nuit de festival à Whitehorse. Déboulant autant dans ma conscience que dans mon trouble champ de vision, une blonde locataire des lieux semble se demander qui je suis, me le demander ensuite avant de finalement disparaitre, en constatant que je me suis rendormi. Cette dite blonde locataire des lieux n’est autre que Pascale, Pascalounette, Pascalougarou qui va, par la suite, squatter notre coloc’ pendant six mois avant de partir vivre de nouvelles aventures. Nos chemins se recroiseront par la suite à Vancouver, à Montréal, auprès de quelques ânes et, le plus souvent, en Alsace. C’est ainsi que, au sortir des mes randonnées sans voiture en la Vallée de la Bruche et d’un chouette week-end sportif entre potes (aux fortes consonnances lensoises), je suis donc allé passer une poignée de jours du côté d’Herrlisheim avec, entre deux soirées de souvenirs, une idée en tête : explorer la ligne de TER N°9, de Strasbourg à Lauterbourg et m’offrir ainsi quelques escapades, le temps d’une journée. Voici donc le récit de ces errances, de ces balades et arrêts impromptus où se croisent des saumons, des cigognes, une glace et un traversier teuton.

Prendre le train en Alsace

Un barrage et une passe à Gambsheim

La dernière fois que j’ai visité un passage migratoire pour les saumons, c’était – ô coïncidence subtile et délicate – à Whitehorse. Alors, quand j’ai étudié les activités possibles un lundi 29 avril en Alsace, je n’ai pas vraiment eu l’embarras du choix puisque le passage 309 m’a paru être la seule chose faisable facilement ce jour-là.

Le passage 309, kesaco ?

Donc, le passage 309, c’est une initiative locale pour promouvoir le tourisme frontalier entre la France et l’Allemagne et, plus précisément, les municipalités de Rheinau en et de Gambsheim. Sur le terrain, cela se concrétise « à travers diverses initiatives, allant de la conception et distribution de supports promotionnels (brochures, affiches, plans) à l’organisation d’événements ou d’expositions, et même à la gestion de projets européens d’envergure ». Je cite ici la page A propos du site officiel !

Et donc, aller voir la passe aux poissons.

J’ai fait, comme d’habitude, mes repérages pour baliser, peu ou prou, le chemin entre la gare de Gambsheim et la passe, convenablement sise sur un barrage électrique au milieu de Rhin. Pour y aller, rien de bien sorcier : 3 kilomètres et demi et environ cinquante minutes de marche. Or, un petit détail attire mon attention en l’absence totale d’infrastructures piétonnes au sortir du village, le long de la départementale 94 et sur environ 600 mètres. Autrement dit, à moins de relancer le stop, douze ans après la Nouvelle-Zélande, il va falloir marcher en bord de départementale, ce dont je ne suis pas vraiment, vraiment fan.

Cependant, je n’en suis encore là, tout occupé que je suis à profiter de l’orgie visuelle que proposent les magnifiques maisons à colombages de Gamsheim, orgie que je n’avais pas du tout prévue et dont je me repais avec un appétit certain, seul que je suis dans les rues locales en ce début d’après-midi. J’observe, j’admire et je bave même un petit peu (entre deux DMs sur IG d‘Alex Zone Blanche, qui semble connaitre le coin).

Arrivé à la sortie du village, j’observe une voiture allemande visiblement abandonnée, des outils agricoles d’un autre temps et mon indécision absolue quant à la route à suivre (et ceci est un zeugma). Je tente vaguement de tendre le pouce quelques minutes mais soit j’ai perdu sévèrement du capital séduction depuis mes années océaniennes soit le stop n’est pas un truc courant dans l’coin mais toujours est-il que je fais un flop magnifique qui me décide donc à longer la départementale jusqu’à un rond-point où je me réfugie sur une piste cyclable protégée où je peux cheminer en relative sécurité. De là, je rejoins l’office de tourisme du Pays Rhénan, situé juste avant le Rhin, dans une sorte d’aire où se trouvent des travaux et un restaurant (hélas fermé, tant pis pour ma bière). Une fois mon plein de cartes et de conseils effectué, direction le barrage, le Rhin et ma fameuse passe à poisson(s) !

Visiter la Passe à Poisson

Et donc, sise au milieu d’un barrage, la Passe à Poisson qui sert, comme son nom l’indique, à faire passer les poissons à travers le Rhin. Pourquoi donc ? Et bien, déjà, parce qu’avec un barrage au milieu du fleuve, cela devient un peu compliqué de remonter le courant pour retourner pondre sur son lieu de naissance. Alors, du coup, pour aider la poiscaille d’Alsace et d’ailleurs, je donne la parole au site officiel et à sa page dédiée : « Comme les migrateurs ont la particularité de nager contre le courant, un débit de l’ordre de 15 m3/s est détourné vers les entrées de la passe. Grâce à ce guidage naturel, saumons, truites de mer et autres espèces de poissons s’engagent dans la passe. À Gambsheim, ils gravissent une hauteur de près de 11 mètres, en franchissant une succession de bassins reliés entre eux par des fentes. Après le passage de chaque petit dénivelé, le poisson peut se reposer dans le bassin supérieur.

Autrement dit, la visiter la Passe à Poissons de Gambsheim permet de voir plein de poissons nager à contre-courant, grâce à une immense baie vitrée (dedans) et à une terrasse panoramique (dehors). Le contenu de l’exposition permanente est intéressant (mais pas autant que les poissons qui se font balloter dans tous les sens). Et si vous voulez des chiffres, sachez que 46 877 anguilles (et 18 saumons) ont utilisé la passe en 2023.

Et sinon, sur le pont, on y danse ?

Un pied en France, un pied en Allemagne et une frontière qui me coupe en deux, de bas en haut : il ne faut pas grand chose pour m’amuser. Surtout quand je suis sur un pont entre deux pays, sur une ligne imaginaire sensée départager deux pays. Autour de moi, sur le grand parking, des enfants réclament une glace à leur grand-mère, des gens en vélos cherchent comment franchir entièrement le pont, des anguilles nagent à contre-courant, des voitures et des camions roulent dans une folle frénésie ininterrompue. Mais moi, je m’en fiche, l’espace d’une seconde, je suis 50% français, 50% allemand, 100% européen et fichtrement content d’être là !

La frontière entre la France et l'Allemagne sur le Rhin

Le retour vers Gambsheim n’est que douceur et allégresse, finesse et délicatesse, marche sur la départementale et sifflement des voitures passant. Strictement rien à signaler si ce n’est la possibilité éventuelle d’éviter la route en passant par un sentier qui part de la déchetterie. Aucune certitude mais cela semble possible. Pensez d’ailleurs à faire le plein de carte à l’OT, notamment des sentiers de randonnée du Pays Rhénan (ou à vous servir du site officiel).

Passe-moi le Seltz (et une glace, des cigognes, un traversier s’il te plait)

Deuxième jour et deuxième envie : aller voir de plus près le Rhin, le longer, le saluer. Et aller en Allemagne aussi. Et voir des cigognes également tant qu’à faire. C’est donc armé de mon super recueil de randonnée au Pays de Seltz que j’en repère une particulièrement attrayante, longue de 7 kilomètres et faisable peu ou prou en deux heures : le circuit du Rhin.

Seltz, son kebab gastronomique, son école, ses cigognes

On ne va pas se mentir : la gare de Seltz n’est pas le coin le plus sexy de la région. Ni les alentours immédiats d’ailleurs. Par contre, après quelques minutes de marche, les bâtisses modernes et industrielles laissent peu à peu leur place au centre de la Commune, infiniment plus agréable à l’œil . On y trouve même, pour les voyageurs curieux de nouvelles aventures culinaires, le Snack de Seltz, un kebab 2.0 où vous mangez super bien de belles assiettes à un tarif tout à fait correct (environ 10€), avec le service souriant en prime !

Pourtant, là n’est pas ce que j’ai retenu de ces premiers instants dans le coin, c’est une ombre qui tournoie dans le ciel, des becs qui claquent, un regard qui suit une cheminée pour tomber sur un nid de cigognes avec, ô surprise, des cigognes dedans ! J’ai toujours la même fascination enfantine pour ces grands oiseaux d’une grâce et d’une beauté infinie qui transportent autant les bébés que les diamants (référence littéraire inside). C’est donc les yeux rivés sur mon nid que j’ai dégusté mon Döner, avant d’aller mitrailler photographiquement le nid et de partir faire ma randonnée.

Laisser un Rhin à Seltz

Un battement d’aile dans le pré à ma droite. Un bruissement dans l’herbe au sol : cigognes spotted à peine la randonnée commencée. Je reste sur place, touriste en majesté heureux de ce cadeau de Dame Alsace et je m’offre une petite séance de photo avec mes volatiles z’adorés (qui ont l’air un peu fatigués d’ailleurs) avant de reprendre doucement ma marche vers le Rhin.

Rien de vraiment particulier à signaler : le chemin est clairement balisé par le Club Vosgien, le GPS capte le signal sans problème et mes cartes, autant papier que digitale, confirment que je suis totalement dans la bonne direction. Je tombe d’ailleurs assez vite sur le Rhin, pour un long et plat cheminement entrecoupé de lectures de panneaux. Au loin, un bateau fait des A/R incessants entre les deux rives du fleuve : il s’agit d’un traversier gratuit, mu par la force du courant, que j’ai repéré la veille et que je compte bien prendre le temps d’une escapade teutonne.

Se faire mener en bateau et rester de glace

Prendre un bac à traille pour aller en Allemagne : impossible de manquer une aussi belle occasion de voyage. J’attends donc gentiment une petite dizaine de minutes devant l’embarcadère, tape la discut’ avec un papy à propos de son chien dans le panier du vélo et embarque finalement dans mon bac (que j’ai eu haut la main, bien évidemment). La traversée est le truc le plus calme possible, tout comme mon arrivée en Allemagne où je me retiens de dire WUNDERBAR WUNDERBAR WO IST DER BAHNHOF RUHE BITTE KINDER SCHLAPPEN à tous les gens que je croise (car oui, je suis bilingue, bien sûr, surtout quand il faut dire que c’est fabuleux, que je cherche une gare ou que je demande le silence parce que les enfants dorment).

En-dehors de ces aléas linguistiques, le principal intérêt de mon aventure teutonne fut l’arrivée sonore et remarquée d’un glacier en son camion venu ravitailler les nombreux retraités qui regardent passer les bateaux. Et à3€ les deux boules, laissez-moi vous dire que je n’ai pad raté l’occasion. J’ai même pu montrer ma maitrise de la langue de Kant avec des BITTE et DANKE lâchés à juste propos. Et sinon, j’ai repris le bac pour revenir en mon beau pays de France et boucler ensuite la randonnée avec un nouvel arrêt-cigogne en le bourg avant d’aller choper mon TER !

Et donc, à part ça…

Bonus photographique : l’Alsace au téléphone

Entre ici et là, des instantanés de voyage, des choses vues, lues ou entendues.

D’autres options possibles entre Strasbourg et Lauterbourg

Au gré de mes repérages et préparatifs, j’ai noté plusieurs autres possibilités de randonnées assez courtes et qui ont l’air plutôt sympathiques et atypiques, toutes toujours accessibles directement avec le TER. Vous avez, ainsi, le sentier Goethe à Sessenheim, qui permet de marcher sur les traces d’illustre auteur teuton, qui semble avoir conté fleurette dans le coin. Vous pourrez également marcher le long du circuit de la Pomme à Herrlisheim, pour une balade reposante et détendue. N’hésitez surtout pas à profiter des réductions du TER et à les acheter la veille pour le lendemain (parce que sinon, pouf la réduction).

Et pour aller plus loin en Alsace, pourquoi ne pas aller passer quelques jours à Strasbourg, partir randonner dans la Bruche ou encore explorer le pays de Barr ?


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