Doucement, Petit Homme vient de s’endormir dans mes bras, après avoir été bercé doucement, comme je sais qu’il l’aime. Auparavant, nous avons mangé, joué et fait ces mille et une choses qui font de chaque jour une étape différente sur nos chemins respectifs. Tandis qu’il dort, le poing serré et la respiration tranquille, je prends le temps de souffler et de réfléchir sur le chemin parcouru depuis sa naissance. J’observe – comme je le peux – le papa que je suis aujourd’hui, celui que j’étais hier et celui que je voudrais être demain, après-demain et dans les années à venir. Être père : quelle aventure !
Avant tout ça…
Au départ, rien ne me prédestinait à cela. J’avais bien, dans un coin de ma tête, une vague volonté d’avoir – un jour – des enfants. Je savais plus ou moins que c’était quelque chose qui me plaisait, comme un petit plaisir inavoué. Pour autant, je ne me voyais pas du tout passer à l’acte. Trop lointain, trop brusque, trop générateur d’ennuis potentiels.
En effet, dans le cadre de ma vie entre 200X et 20XX, la stabilité et la sédentarité étaient deux mots totalement inconnus à mon bataillon personnel. De voyage en voyage d’un continent à un autre, je ne me voyais qu’évoluer dans un modèle où tout est vierge, sans certitudes, sans chemin tracé, sans ligne droite. Je voguais au gré des opportunités et des envies.
Le temps faisant lui aussi son chemin, les années ont passé. J’ai vu apparaître la barre fatidique des 31 ans et j’ai finalement laissé gentiment le destin suivre son cours : rencontre, installation, création d’un foyer. Doucement, très doucement, le sujet a commencé à être évoqué, au détour d’une discussion. Pourtant, alors même que la situation semblait être plus propice qu’auparavant, je ne me sentais pas prêt. Je savais que je ne l’étais pas. Repoussant encore et encore le moment de me lancer dans le vide, je ne voulais pas entendre parler d’être Père, de concevoir un enfant, de créer une vie et de devenir responsable d’une existence humaine composée à 50% de mes gênes.
Et puis…
Un jour, tout s’est débloqué.
J’ai compris que si je ne prenais pas la décision ce jour-là, je ne la prendrais jamais. J’ai décidé d’arrêter de réfléchir, d’arrêter d’avoir peur, d’arrêter de vouloir tout peser, tout analyser, tout décrypter, de vouloir sans cesse fuir encore et toujours. Ce fut, aussi paradoxal soit-il, ce jour là que j’ai débuté ma vie de Papa.
J’ai ensuite connu la joie d’une découverte matinale, l’émotion infinie d’un battement de cœur, les fou-rires devant un ventre qui remue et deux mains qui se touchent au travers d’un ventre rond comme un ballon, la fierté toute contenue en annonçant LA nouvelle autour de moi, le sourire de mes parents et la peur d’aller vers l’inconnu, inexorable.
Être père
Je crois que si être père est quelque chose que j’ai choisi, le véritable apprentissage n’a commencé cependant que bien, bien plus tard. Il a débuté à la seconde même où un cri résonne dans vos oreilles et lorsqu’on vous tend une petite boule humaine gigotante, repliée sur elle-même. Il débute lors des premiers contacts, des premiers échanges de regards, des premières interactions. C’est une formation sans fin, personnelle, absolue et qui ne saurait être décrite de façon exhaustive dans aucun livre, aussi complet fussent-ils.
Chaque jour, chaque minute, chaque seconde passée avec mon enfant est l’occasion de m’enrichir de lui, de savoir ce que je dois faire et comment je dois le faire. Qu’on ne s’y trompe en effet pas : l’apprentissage n’est pas unilatéral. Je ne conçois pas mon rôle de père comme vertical, de moi vers lui. Je crois que mon fils a autant à m’apprendre que j’ai à lui partager. Je donne la mesure et trace quelques pistes puis le regarde explorer, toucher, goûter, se lancer et reculer. Comme il le veut, comme il souhaite. Plus d’une fois, je tempête et j’éructe, devant une assiette qui vole, un verre qui se renverse ou des papiers qui se retrouvent sur le sol. Pourtant, intérieurement, je suis ravi de le voir évoluer ainsi.
Être père, c’est bien plus qu’un simple lien de sang ou un statut défini juridiquement.
Être père, c’est devenir Papa, Popa, Papo.
C’est vivre avec, pour et aux côtés de son enfant.
De mon fils.