Lettre à mon fils
Cher petit bonhomme,
Dans deux jours, cela fera donc cinq mois que tu es arrivé dans notre vie, à ta maman et à moi. Cinq mois déjà que tu as bouleversé nos existences, apportant jour après jour bonheur, fatigue, rire, espoir, et tous ces autres sentiments fugaces qui traversent le temps, à peine perceptibles et que je n’arrive pas toujours, pour ma plus grande tristesse, à saisir en plein vol.
Au moment où j’écris cette lettre, tu es allongé dans les bras de #DeT et tu me regardes avec tes grands yeux si bleus, ouverts sur ce monde étrange que tu découvres à ton rythme, au gré de tes expérimentations, de tes envies et de tes capacités. Avant-hier, tu vagissais, hier, tu roulais sur toi-même et, aujourd’hui, tu tentes t’attraper tout ce qui passe à portée de tes petites mains. Que feras-tu donc demain, petit bonhomme ? Est-ce que tu te dresseras tout seul sur tes petites jambes pour gambader dans la maison ? Est-ce que tu croqueras avec avidité l’un de ces aliments qui semblent te faire saliver à outrance ? Est-ce que tu moduleras autre chose qu’un de ces borborygmes, qu’une de ces onomatopées étranges et répétitives qui me cassent les oreilles à force de les entendre « Mamaaa, gnagheuuuh, Magagneubaba » ?
Je me moque, cher petit bonhomme, mais avec toute la tendresse, l’amour et la patience qu’un Papa peut porter à son fils. Quand je te regarde attraper les cheveux de ta maman pour ne plus les lâcher, quand je te vois t’étirer, quand je t’entends rire aux éclats et pleurer à chaudes larmes, quand je te sens heureux au creux de mon bras, quand je sens tes doigts courir sur mes joues et ta bave couler sur mon visage, quand tu ne veux pas dormir au milieu de la nuit et quand tu roupilles toute la journée, quand tu tapes des pieds de colère, quand tu me cherches du regard, interrogatif, curieux, inquisiteur, rieur, moqueur, avide, joueur, taquin, coquin, triste, fatigué… C’est dans ces petites tranches de vie quotidienne que je me rends que le Temps passe à une vitesse folle et que ça en devient un Devoir que de profiter de ces moments uniques, de ces instants magiques, de ces parenthèses féériques.
Tu sais, Petit Bonhomme, nous venons de traverser une sale période. La France, ce pays où tu es né et où tu vas vraisemblablement grandir, est malade. Malade de haine, de rancœur, de violence, d’injustice. Dans ce déferlement récent, tu es mon refuge. C’est moi qui vient me blottir contre toi, boire à la source de ta joie, me recueillir dans tes bras. Combien de fois suis-je venu, pendant tes siestes, m’allonger près de toi pour reprendre Foi en l’Humanité ? Combien de fois suis-je resté à te regarder, apaisé, dormir comme un bébé peut le faire ? Tu es ma raison de garder espoir, d’espérer des jours meilleurs. Je ne sais pas quel Monde t’attend ni quel sera l’univers dans lequel tu vivras plus tard. Sache seulement que nous faisons notre possible, ô Petit Bonhomme, pour t’entourer d’Amour et essayer de t’offrir une société à ta hauteur.
Il est tard, petit bonhomme et tu ris encore, collé contre ta maman, debout et tout fier sur tes petites jambes. Tu tournes la tête, attrape tes pieds, rigole et tu glisses ton visage contre mon cou quand je te serre fort, fort, fort, te murmurant au passage, au creux de l’oreille, des petites chansons improvisées. Dans ta belle gigoteuse, tu vas encore tourbillonner dans ton lit, essayer d’attraper ce doigt qui caresse ta joue pour mieux le manger et enfin, t’endormir jusqu’au prochain réveil.
Bonne nuit, Petit Bonhomme.
Et merci pour tout !