Voyager au Portugal avec mon fils n’a jamais été un rêve ou un projet longuement mûri. En réalité, c’est avant tout une histoire de circonstances, de dates libérées soudainement, d’une opportunité saisie à quatre mains et fermement serrée. Il se trouvait qu’une certaine Pitchoune s’en allait en classe-découverte quand sa #DeT de Maman partait quant à elle traîner ses guêtres dans le sud de l’Hexagone. Dès lors, que faire ? Rester à Paris avec Fils ou suivre à la lettre les consignes de sa maîtresse et mettre les voiles pour quelques jours ? Pas besoin de réfléchir : la carte bleue, une impulsion aucunement ciblée et un A/R pour Porto dans la poche plus tard, le voyage était prêt. Pour le coup, aucune prise de tête, aucun planning prévu, quasiment aucune recherche en amont, si ce ne sont quelques conseils requis auprès d’ami.e.s spécialistes de la destination. A part ça, J’ai simplement réservé, quelques jours avant notre départ, deux logements : un studio à Porto et une chambre en auberge à Guimaraes. Le reste, c’est autant un retour aux sources (un voyage au jour le jour, vers une nouvelle destination, vers deux nouvelles villes) qu’une première fois : un voyage à l’étranger avec Fils, en tête à tête avec notre poussette, nouvelle épopée à quatre pieds après Lens la Magnifique.
Jeudi – Porto, c’est vertical !
Le départ
Je l’avoue : j’avais quelques légères angoisses avant ce nouveau départ. Si je sais désormais comment m’occuper de Fils en solitaire, la perspective de l’avoir avec moi pendant six journées entières me faisait cependant m’interroger quant à la pertinence de ce voyage. Pour autant, mes doutes se sont envolés comme un Kangourou australien sur fond de coucher de soleil : à toute vitesse. Les jours précédents le départ, toute l’école, la moitié de l’immeuble (et probablement 40 à 50% de la population francilienne) étaient au courant de notre voyage. Fils le chantonnait, le claironnait, le hurlait partout : « JE VAIS AU PORTUGAL AVEC MON PAPA ». D’ailleurs, pour rétablir la vérité impartiale, objective et nue, sachez que probablement l‘autre moitié de la population savait que je partais au Portugal avec mon Fils (mais moi, je peux claironner que c’est pour le travail, ce qui est d’ailleurs vrai, soit dit en passant). Bref, tout s’est bien passé sur la première demie-journée. Aucun souci de RER, aucun souci avec le vol, aucun caprice et un premier émerveillement commun en voyant apparaître Porto à travers le hublot de l’avion. Déjà se dessinent les méandres du Douro, royalement enjambés par une multitude de ponts. J’aperçois au passage le stade de Boavista et tout cela se finit en une profonde explication technique sur les différentes étapes de l’atterrissage de l’avion, en réponse aux questions filiales à base de « On a atterri ? On est encore en l’air ? On a atterri ? On est encore en l’air ? »
L’arrivée portuane
Une fois arrivés à l’admirable aéroport local (avec ses beaux tuyaux, sources de blague inépuisable à base de Mario et Luigi), je découvre en poussant des petits hurlements de joie que le métro pour rejoindre la ville est direct, aérien (comprenez extérieur) et ne coûte que 2€. Imaginez le choc pour le parisien que je suis, habitué à raquer 10 balles pour aller à Roissy, avec un billet interdisant les correspondances RER – Tram // Bus. Nous passons un voyage paisible, entre deux touristes asiatiques et un groupe de français braillards (note pour moi-même : toujours dire du mal des compatriotes à l’étranger, c’est facile et vendeur). Fils décide entre-temps que tant de nouveauté est trop insupportable et s’endort du sommeil du Juste dans sa poussette rafistolée à la va-vite (une sombre histoire de vis, de châssis et d’écrous). C’est donc en solitaire que je fais mes premiers pas du côté de la rue Bonjardim, où se trouve notre studio, au troisième étage. Je rencontre Pedro, le proprio, qui me briefe, dans un anglais oxfordien, sur la ville, m’oriente vers quelques bons spots avant de me laisser m’installer, ce qui me prend exactement quatre minutes avant de me retrouver dans la rue (avec Fils toujours endormi dans la poussette) et avec une seule idée en tête, foncer tout droit..
Petit aparté totalement hors-sujet
Je ne sais pas pour vous mais, lorsque je suis dans une nouvelle cité, l’un de mes plaisirs est simplement d’errer, sans chercher à trop réfléchir (même s’il m’arrive de faire le contraire et de chercher de nouvelles façons de découvrir ma propre ville) Se laisser guider par l’envie, avancer toujours tout droit, tourner au gré des panneaux, sans chercher à comprendre. Je trouve un charme extraordinaire aux itinéraires tortueux, aux balades tarabiscotés, aux chemins de traverses cahoteux et cabossés. J’éprouve un plaisir infini à me promener dans des artères pavées qui dessinent des arabesques aériennes plutôt que dans les rectilignes et perpendiculaires avenues de certaines contrées. La surprise est souvent cachée au coin de la prochaine allée, derrière une porte cochère, au zinc d’un rade local ou encore sous un pont portugais.
Descendre (pour mieux remonter)
Pour ces premières minutes à Porto, je ne vise qu’une chose : le Douro et, au moins, un de ses ponts. Du coup, mon trajet est rectiligne, droit comme un I, toujours plus bas. Je croise une église, découvre la Camara Municipal, me vois proposer trois ou quatre fois du cannabis, tombe sur la gare de Sao Joao, me trompe d’embranchement, arrive dans une ruelle ressemblant fortement à une mauvaise télénovela brésilienne, le tout avant de me taper la première montée d’une série démentielle. C’est précisément à ce moment que Fils décide de se réveiller et que, ô stupeur, nous arrivons au pont Dom-Luis. Icelui comporte plusieurs particularités : non comptant d’être inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, d’avoir été conçu par un disciple de Gustave Eiffel (Théophile Seyrig en l’occurrence), il permet de surcroît la circulation simultanée des métros et des piétons (en haut) et des piétons et des voitures (en bas).
Autrement dit : c’est photogénique, touristique, totalement instagrammable et, en conséquence, fréquenté. Très fréquenté. Trop fréquenté. Les deux voies centrales du tablier supérieur, où courent les rails dudit métro, sont un terrain de jeux improbable pour tous ceux qui veulent se prendre en photo tout en augmentant leurs chances d’apparaître au palmarès des Darwin Awards. Dès lors, réussir à avancer de l’un des deux côtés sans mordre sur les rails devient un exercice de haute volée, un véritable slalom digne des JO divers, à la limite de devoir enjamber une influenceuse allongée par terre ou un troupeau faisant une photo de groupe. Après une brève avancée, nous rebroussons chemin en donnant rendez-vous plus tard à la rive opposée de Porto, esquivons deux ou trois demandes de pétitions louches et embrayons sur un dédale de rues pavées, aussi belles que casse-gueule, pour finalement déboucher sur l’objectif premier de notre sortie : les rives du Douro.
Le Douro, ça rime avec Malodo.
Un foisonnement de musique, des sourires, des concerts, des selfies fluviaux, des bancs et la douceur de vivre, le tout sous le chaud soleil local : notre première fois sur ces rives bien-aimées fut un immense moment de bonheur. Après avoir crapahuté, nous décidons de nous offrir un petit moment de détente en écoutant un duo franco-portugais pousser la chansonnette. Les mouettes volent et survolent les quais enfientés, les notes s’éparpillent à leurs côtés tandis que disparaissent, une bonne fois pour toutes, mes derniers doutes, balayés au loin, derrière l’horizon.
Pourtant, à ce moment, je fais une connerie : je décide, vue l’heure avancée, de quitter les lieux pour rejoindre un spot d’où le coucher de soleil est incroyable (© Pedro, mon hôte). Il me suffit, si j’en crois le plan aimablement fourni, d’aller par là, de contourner par ici, d’emprunter une toute petite montée pour déboucher, au final, au Parque das Virtudes. Tout enflammé par ma YOLO // FOMO attitude, je trace ma route en toute simplicité. On admire au passage les azuleiros de la Maison de la Suède (gros WTF en passant d’ailleurs, pour savoir comment les nordiques ont chopé un tel spot), on salue les mouettes qui campent entre deux tables en terrasse et on finit par arriver au pied de ladite, supposée, toute petite montée.
Sauf que, grain de sable dans la machinerie parfaitement huilée, le plan indiquait une belle avenue, pas un dédale vertical d’escaliers démesurés, régulièrement entrecoupés de virage à angles droits et de travaux en cours. Après avoir donc subtilement demandé à Fils s’il ne voulait pas descendre de la poussette pour marcher un petit peu (« Mais Papa, ça me fatigue de marcher, j’ai mal aux pieds, tu sais »), me voila donc réduit à porter ma descendance et son moyen de transport au prix de mon dos et de mes vertèbres, à faire des tours et des détours, à oublier une allée où un chien aboyait vraiment trop fort et à invoquer les pratiques sexuelles cachées de tout le panthéon scandinave. Et tout ça pour quoi ? Pour arriver sur un bande de gazon occupée par plein de jeunes, fumeurs de ganja et buveurs de bière, baignant dans un brouillard des plus aromatiques mais où il ne saurait être question, ô rage et desespoirS, de rester (pour cause de Fils). Nous prenons donc quelques clichés en express et repartons vers notre pénate avec une légère interrogation au passage : quoi et où manger ?
Bem et pas caro du todo
Avouons-le : j’avais repéré, lors de mon premier trajet, une espèce de boulangerie-restaurant-bar fréquenté par beaucoup de gens. Du coup, après une escale pour acheter des bonbons (je l’avais promis à Fils et ne pas le faire eut été une Trahison Majeure), j’ai donc manœuvré la poussette jusqu’à cette échoppe. Première surprise : personne n’y parle anglais. Je me retrouve donc plongé dans les pires heures de mon incapacité linguistique (comme à Saint-Pétersbourg ou lors de ma première fois en Irlande). J’annone un Bom Dia, quelques Obrigado et je pointe du doigt ce qui me parait comestible, en ajoutant au passage quelques kilos de Pastel de Nata, la plus belle contribution culinaire du Portugal au patrimoine immatériel de l’Humanité. Je paie une poignée d’euros pour ce premier repas (environ 5€ pour les desserts et deux immenses parts d’un truc imprononçable mais à base de jambon et de fromage). Avant de boucler notre première journée, un ultime détour m’amène à une minuscule épicerie tenue par une dame aussi vieille que charmante, où je projette d’acheter le petit-déjeuner du lendemain. S’en est suivie une délicieuse conversation traduite par une cliente de passage, sur le pourquoi et comment la confiture de kiwis maison ne pouvait être un substitut valable à la compote de pomme pour Fils. L’affaire s’est réglée entre la poire et le fromage, avec des raisins secs et des pains au lait confiturés
Vendredi – Pour de vrai ou pour de Foz ?
Drôle de Tram
Pour notre seconde journée portugaise (et notre première « vraie » journée complète), nous avons une envie : aller voir la mer. Or, par un merveilleux concours de circonstances, il se trouve qu’icelle est accessible via quelque chose qui fascine Fils : un (vieux) tram, certes touristique et sujet aux aléas du trafic automobile mais ô combien désuet et charmeur. Nous repartons donc de bon matin et de bon aloi, pour choper notre tram, sans aucune information quant au programme de la journée ou aux horaires dudit moyen de locomotion. Cependant, comme les choses sont bien faites à Porto pour les PPP (Papas Pas Préparés), nous arrivons au lieu de départ en même temps que notre tram. Coïncidence parfaite qui nous permet d’embarquer de suite, en compagnie d’une vingtaine d’autres aventuriers et d’une famille française au bébé délicieusement souriant. Fils décrète que la vue des murs de la ville est plus belle que celle de l’Océan et le reste du trajet n’est que douceur, volupté et interrogations : « C’est là qu’on descend ? Quand est-ce qu’on arrive ? »
A Foz, la mer est à un jet de pierre de l’arrêt du tram. Il suffit de traverser la rue pour saluer l’océan et le trouver encadré par deux jetées parallèles au bout desquelles se trouve un phare des plus photogéniques. En ce jours de mars, la mer semble cependant être quelque peu agacée car les vagues se fracassant sur les rochers invitent plus à la longue pause photographique qu’à la baignade printanière. Je laisse donc Fils jouer à l’archéologue sur le sable local et je reste planté les pieds dans le sable à laisser mon âme aller et venir au gré du ressac. Nous jouons là quelques minutes (qui semblent être des heures) avant de nous engager vers la jetée. Rien de notable n’aurait été – justement – à noter si Fils n’avait eu l’idée de passer exactement au moment où une vague venait voir, par-dessus la jetée, s’il n’y avait pas quelques personnes à saluer. Il en fut quitte pour des gouttes dans les cheveux, un joli sursaut et une course effrénée vers mes bras (supposés) salvateurs. Ironie du sort, sa malencontreuse aventure fut exactement celle que j’essayais de prendre en photo une poignée de minutes auparavant…
Quand ta carte plante
L’heure de manger arrivant à grands pas, nous décidâmes d’un commun accord (enfin, commun, c’est vite dit…) d’aller nous sustenter dans l’une des nombreuses échoppes ayant terrasse sur rue à Foz. Si la communication n’a pas posé de problème, c’est ma carte bleue qui a décidé de s’amuser et d’émettre toute une série de réponses négatives à mes tentatives de communication. Le patron, compréhensif (ou habitué ?), me propose de faire d’abord manger Fils avant de payer, sachant, qu’entre-temps, Fils a réussi à se faire offrir une balle cadeau par les deux ouvriers (?) en charge du ravitaillement (?) des machines où tu glisses une pièce pour récupérer une capsule contenant un cadeau. Comble du luxe, il a même pu choisir lui-même sa capsuballe. Bref, après un rapide aller-retour au distributeur, nous allons manger notre repas (au nom toujours inconnu mais aux quantités gargantuesques) en bord de mer avant de repartir vers de nouvelles et immanquables aventures.
Rui, l’ami retrouvé
Depuis que je voyage avec Fils, j’essaie de faire en sorte de lui ménager des temps spécifiques où il puisse se dépenser, courir, sauter, le tout pour mieux le fatiguer (et qu’il fasse sa sieste, surtout). Ce que je n’avais pas prévu, en nous arrêtant sur cette aire de jeux le long de la mer, c’est que Fils deviendrait copain avec Rui. Qui est Rui ? Un garçon probablement âgé d’une dizaine d’années, fan du FC Porto, parlant mieux français que moi portugais et avec qui j’ai parlé de foot (Griezmann, Fortnight, Pauleta, Rui Costa) et avec qui Fils a joué pendant un long moment. Rui lui a montré comment monter à l’échelle du toboggan, comment célébrer des buts au foot, nous a offert des bonbons (sans vouloir pour autant des nôtres). Une amitié née d’une rencontre, des jeux enfantins immédiats et la protection d’un grand frère. Lorsque le moment de partir fut venu, Rui est venu nous saluer et nous a demandé « Demain, revenir ? » (en portugais, je traduis le sens supposé) en montrant le lieu et en nous pointant du doigt. J’ai du expliquer que « Nao, Guimaraes, tchou tchou puis Paris (en faisant l’avion avec les bras, non je n’ai honte de rien) ma obridao por jugar con meu filho ». Puis Rui et sa maman Maria sont repartis et j’ai eu un petit pincement au cœur tout en humant de mon mieux cette parcelle d’innocence, ce moment profond d’amitié et d’humanité.
A Porto, fais comme les Portuans
Sans doute bouleversé par cette rencontre, Fils a le bon goût de s’endormir, ce qui me laisse devant un dilemme des plus intéressants : choper le tram pour rentrer ou bien marcher tout au long du chemin, doucement, tranquillement et aller voir de bien plus près cette espèce de café repéré lors du chemin aller, là-bas, après le pont ? Inutile de vous dire que le dilemme a été résolu en un dixième de seconde. En avant toute, la ville à ma gauche, le Douro à ma droite et on y va. Sous le (trop) chaud soleil portugais, j’avance à mon rythme. Je laisse passer les trams et les pensées, esquive quelques voitures remarquablement mal garées (une spécialité nationale, apparemment), passe sous un très gros pont, le Ponte de Arrabida, particulièrement moche au regard de ses confrères métalliques, admire quelques œuvres de street-art disséminées ici et là (une autre spécialité nationale) et finit par arriver à mon troquet entraperçu auparavant, où mon arrivée ne suscite pas la moindre agitation, ce qui est des plus agréable. Du coup, je décide de m’avachir un petit peu dans ma zone de confort, de rester bien tranquillement sur mon sentier très battu et de me commander un café avec deux pastels de nata.
Et bien, vous savez quoi ? C’était formidable. Cinq minutes assis sur une chaise en plastique, à regarder passer les bateaux sur le Douro, à saluer quelques habitués de passage, à grignoter mes pastels et à essayer de convaincre Fils (réveillé entretemps) d’en goûter un. Je n’ai jamais la prétention de vouloir vivre comme un local : c’est une aberration absolue. Cependant, tenter de saisir les moments de plaisirs supposés de leur journée, faire une sorte de copier-coller, jouer à l’usurpateur pendant quelques temps : cela peut marcher, surtout en buvant un café sur les rives du Douro, au mois de mars, à Porto, avec son fils et sous le sourire d’un papy de passage, francophone enchanté de pouvoir bavarder quelques secondes. C’est aussi ça, le voyage : des moments simples, pas compliqués pour un sou, sans aucune recherche d’exotisme, de micro-aventure, d’expérentiel ou de TRUC QUI FINIT EN ING. Aucun concept, aucune volonté de réaliser de l’exceptionnel à tout prix. La quête d’un bonheur authentique, frais, réel et qui se savoure doucement. S’émerveiller d’un rien et sourire de tout : ma recette personnelle 101% testée et validée !
Douro d’oreille
Il m’arrive, parfois, d’apprendre de mes erreurs. Aussi, ma fièvre YOLOFOMO étant repartie aussi vite qu’elle était arrivée, il était hors de question de tenter une nouvelle fois l’échappée infernale. Du coup, nous avons fait très, très simple avec Fils : nous sommes retournés là où nous avions écouté de la musique la veille. Ce coup-ci, c’était une chanteuse qui tenait le pavé. Nous devions rester cinq minutes à l’écouter et nous en sommes en réalité restés près d’une heure, une chanson après l’autre. Des paroles simples, un vent frais, des notes légères et un nouveau moment d’une intensité parfaite. J’ai même acheté le CD (homemade) de Keely Denham dont la voix invitait à la retrouver sur un toit, au soleil (meet me on a roof, under the sunshine).Cinq euros pour un album qui va rejoindre l’archéologie des souvenirs mais dont le non-achat eut été comme un sacrilège. A côté de nous, deux touristes asiatiques lisaient The Little Prince. Petit sourire en découvrant la version anglophone de ce chef d’oeuvre et jalousie à l’égard de cette lecture nouvelle pour elles.
Il était prévu (en fait, pas du tout mais cela sonne mieux comme cela) que nous rentrions doucement vers la maison. En fait, nous sommes tombés dans un nouveau piège, un vrai traquenard : un spectacle dont le sens profond reste encore très mystérieux à mes yeux mais qui peut se résumer ainsi : une dizaine de garçons, tous de noirs vêtus, chantant en chœur d’étranges paroles et sautant dans tous les sens tout en tapant des talons. J’ai profité d’une pause pour tenter de saisir le sens du spectacle mais, dans le vacarme ambiant, j’ai seulement saisi une histoire de traditions à respecter et de patrimoine à dépoussiérer de la présence en ligne d’une copine qui fait autorité dans le domaine et qui m’a expliqué que j’avais probablement « croisé la fanfare d’une école d’infirmier (…) et que le costume fait référence aux relations entre la Grande-Bretagne et le Portugal, notamment via le Sandeman« .
Et puisque le proverbe veut que deux n’aille jamais sans trois, que croyiez-vous que nous vîmes, quelques dizaines de mètres plus loin ? Un autre spectacle, cette fois-ci mêlant avec allégresse danse, musique et chant, le tout interprété par une vingtaine de demoiselles (elles aussi toutes de noires vêtues). Le show, ce coup-ci, n’ayant duré qu’une dizaine de minutes, nous avons failli nous retourner fort dépourvus mais il était dit que les quais de Porto avaient encore des surprises à nous révéler…
Un pont (pas du tout) trop loin
Une glace et une bière, payées au total deux euros. De la musique portugaise en fond, des jeunes qui dansent, des jeunes qui boivent, des jeunes qui fument. Une famille assise sur une table, qui rigole. Une autre qui donne le biberon à un bébé. Bien abrités à l’ombre, chacun de nous deux profite de cette pause aussi tardive qu’imprévue. Avons-nous donc quitté nos chères rives ? Sommes-nous partis dans une autre escapade verticale ? Que nenni car nous sommes sous le tablier inférieur du pont Dom-Luis, où il est possible d’accéder après avoir traversé une sorte de marché ultra-touristique rempli de breloques vendues à prix défiant toute concurrence, le tout pour se retrouver dans un espace-temps différent, avec une dizaine de micro-magasins vendant glaces, bonbons, bières, cocktails, sandwichs (et autres spécialités) pour des sommes dérisoires (de 1 à 3€…).
Je ne saurais dire si le lieu est un spot touristique très fréquenté mais j’ai eu l’impression de découvrir une sorte de Graal connu seulement d’une poignée d’Initiés. J’ose à peine imaginer la folie douce qui doit régner ici en plein été, lorsque le soleil tape fort (vraiment fort) et que les foules déchaînées viennent épancher leurs légitimes soifs à l’ombre de Dom Luis. Il est probable que l’ambiance soit différente. Sans rapport aucun, si vous êtes curieux.se, n’hésitez pas à pousser l’exploration un tantinet plus loin pour découvrir une belle vue sur le Douro.
Le coup de graisse
Lors de notre première (et unique, en réalité) rencontre, mon pote Pedro m’avait parlé d’un restaurant végétarien, du genre ALL YOU CAN EAT, où il aimait se rendre. Or, cette chaude, lascive et cérébralement embrumée fin de journée, j’avoue qu’une flemme intense marchait à mes côtés, soupirante et geignante, d’ores et déjà fatiguée à l’idée de devoir faire à manger. Alors, lorsque nos pas (et nos roues) nous ont conduit devant Da Terra, j’avoue que j’ai arrêté de réfléchir, que j’ai regardé ma flemme et que j’ai lâché le morceau. On a donc fait exploser notre ceinture abdominable avec Fils, à grand coup de patates sautées, de trucs verts, verts et encore verts. A ma grande surprise, c’était carrément bon et même nourrissant : une expérience des plus pertinentes pour un coût modique (13€ à deux, c’est carrément un très bon plan). Il s’en est d’ailleurs fallu de peu que je laisse Fils là-bas car, entre le moment de payer et celui de retourner à la table pour le choper, icelui avait trouvé le moyen de donner la main à une serveuse et se promenait dans le restaurant avec le sourire le plus charmeur du monde. Je crois même que c’est lui qui aurait empoché les pourboires (si pourboires il y avait eu). Notre soirée s’est finie sur une nouvelle visite dans notre épicerie favorite, après la quête autant nocturne qu’illusoire d’un sac à dos de rechange, vu que le mien s’est pété en fin de journée et que j’ai passé tout le chemin du retour à éviter que mon Olympus ne finisse sur le bitume portuan…
Samedi – Prise de pouvoir filiale.
Hashtag #TugLife
Pour notre troisième jour portugais, je décide de tout bouleverser, de sortir de nos itinéraires habituels, de prendre des risques inconsidérés, pour aller explorer l’Inconnu au péril de nos existences : nous avons donc changé de rue pour descendre vers le Douro (en tournant à la première sur la droite au lieu de la seconde. Peur de rien, je vous dis). Cependant, j’avais une toute petite, minuscule idée en tête en faisant cela : trouver un magasin de sac à dos, ce qui fut promptement fait via un passage éclair au Décathlon local suivi de l’achat d’une voiture pour Fils (et tout en sachant que le premier cité m’a coûté le même prix que le second). Bref, une matinée pleine de péripéties, de rebondissements, de montées (en ascenseurs) et de descentes (en escaliers) qui a débouché sur une arrivée triomphale… au milieu de nulle part.
Quand le nez décide
De nulle part, il ne saurait être vraiment question puisque je savais peu ou prou où nous étions : à proximité d’un parc où je supputais pouvoir trouver une aire de jeu. De fait, parc il y eu mais sans aire de jeu. Dès lors, que faire, alors que s’approchaient dangereusement les douze coups de midi et que nos estomacs commençaient à grogner ? Manger bien sur mais, ô aléas du voyage, le restaurant repéré sur le chemin était fermé. C’est alors qu’une douce odeur de viande grillée fit palpiter mes narines. Humant et humant encore, je ne fais ni une ni deux et décrété dans la seconde même que « c’est là que nous allons manger, un truc qui sent aussi bon ne saurait être mauvais ».
A peine entrés dans la Casa Guedes (Praça dos Poveiros 130, aucun site internet, c’est un signe de qualité certain), je comprends que j’ai probablement trouvé le meilleur endroit dans un rayon de 300 kilomètres. Nous sommes accueillis par un sourire, un sourcil levé et un hochement de tête en direction du comptoir. Fasciné par les hauts tabourets, Fils n’attends même pas mon approbation pour sauter de la poussette, jouer à Cliffhanger et se percher, fier comme Artaban, sur un truc plus haut que lui. Tout de suite après cette ascension vers les sommets, je vois le patron regarder Fils, lever de nouveau un sourcil avant de partir vers la cuisine. Il revient une poignée de secondes plus tard avec, dans ses mains, une assiette où se trouvent des frites, quelques morceaux de cochon grillé et un bout de fromage. Sans avoir rien demandé, Fils a déjà son repas, lâche un merci au passage et commence gaiement à s’empiffrer tandis que j’essaie de comprendre ce qu’il vient de se passer. Décidant finalement que tout cela doit être une tradition locale, je me penche longuement dans l’exploration du menu avant de me décider pour un sandes de pernil, une sorte de sandwich chaud avec du cochon grillé (que j’ai sous les yeux et le nez) et du fromage. C’est bon, pas cher et cela accompagne extraordinairement bien une bière. Deux mousses au chocolat et un café plus tard, je m’acquitte de la somme mirobolante de 9€ pour ce repas, réconcilié avec l’humanité et encore plus désireux de continuer plus avant mes explorations culinaires locales. D’ailleurs, et par le plus grand des hasards, j’ai découvert le soir-même, en feuilletant un guide touristique local, que cette Casa Guedes était recommandée dans tout le Portugal pour son authenticité et la qualité de ses sandwichs. Je vous jure que je n’ai rien prémédité !
Errons, errons, avec plein de petits ponts.
C’est donc avec le coeur joyeux que nous repartons vers de nouvelles aventures pleines d’inattendus vers les rives du Douro, avec comme idée d’aller explorer la Terra Incognita que constitue le côté d’en face. Pour ce faire, rien de compliqué, il suffit d’aller en direction de notre pont bien-aimé (Dom-Luis, si vous n’avez pas lu les épisodes précédents). J’emprunte donc la première avenue venue et nous nous retrouvons dans un No Man’s Land des plus délicieux, sans personne en vue. En-dessous de nous s’étendent des terrains en friche et un panorama une nouvelle formidable, avec les petites artères sinueuses de Porto. Nous nous amusons à explorer rapidement ces quelques lieux dont l’accès ne me parait pas totalement légal, ce qui ne semble pas constituer pour autant une gêne aux quelques IGers // Photographes croisés ici-bas, qui semblaient connaitre bien mieux que nous les règles du JE.
Quelques circonvolutions urbaines et une longue pause ombragée au pied du château plus tard, nous passons pour la seconde fois de notre séjour sur le tablier supérieur du pont (coucou les Métrams) et faisons face alors à un choix des plus ardus : descendre via les rues, au prix de nombreux virages et cascades OU ALORS prendre le téléphérique qui assure tranquillité, bonheur et longue vie, le tout en 5 minutes ? Pris d’une inspiration subite (et pas du tout cochonne), je laisse Fils décider de la tournure que doit prendre notre après-midi, charge à lui de s’occuper du programme à venir. En essayant de le faire participer à celui-ci, je reviens à mes vieux amours pédagogiques, du temps de mes directions de colos : faire en sorte que les participants d’un séjour soient acteurs, décideurs, qu’ils vivent et ne subissent pas. Là où je me plante en toute beauté, c’est en supposant que Fils puisse manipuler ces concepts et les faire siens (cette phrase en gras est 1001% labellisée mauvaise foi absolue, totale et définitive). Du coup, plus attiré par les attractions enfantines que par les caves de Porto, nous nous retrouvons à passer deux heures entières, pleines et totales (120 minutes, oui) à enchaîner Téléphérique, Grande Roue et terrain de jeux.
J’avoue avoir aimé me laisse mener, par le bout du nez et en pleine conscience, par ce petit bout d’homme qui s’éclate à courir partout, à hurler avec ses copains d’un instant, à me demander mille et une choses à la fois, à essayer de comprendre le fonctionnement de l’Univers, à apprécier tout et son contraire dans la même minute. C’est un bonheur total que de le voir faire sien ce voyage, à sa hauteur et à son échelle (et sans ironie aucune). Alors, pour ne pas briser la magie de l’instant, j’abandonne mes idées d’errances et nous fonçons, via le tablier inférieur de Dom-Bidule (plein de voitures et avec un trottoir à pleine plus large que ma main), manger des glaces, exactement là où nous étions hier, histoire de vérifier si la magie opère toujours (SPOILER : oui).
Loup, y es-tu ?
Vu que nous sommes dans l’incapacité totale de nous renouveler et que l’envie de visiter des musées est égale à celle de manger une tartine de limaces frites dans l’huile bouillante (avec de la sauce à la menthe), nous décidons unilatéralement d’aller, encore une fois, profiter des spectacles sur les rives du Douro (où je crois que nous avons bel et bien passé la moitié de notre temps portuan). Si les deux premières fois avaient été plutôt géniales, cette troisième va être le couronnement du Nawak le plus absolu qu’il fut possible d’imaginer.
Tout d’abord, en chemin, nous croisons un loup. Pas un tout petit loup tout mignon. Non. Plutôt une espèce de LOUP-GAROUUUUH géant monté sur échasses, avec les babines retroussées et la bave aux lèvres, hurlant sans cesse sa soif de sang et sa faim de chair fraîche, tentant à grands coups de pattes de saisir les innocents touristes passants par là. Fils apprécie beaucoup le spectacle, d’autant plus parce qu’il sait que le monsieur à l’intérieur du costume est un français tatoué avec qui il a rigolé quelques minutes auparavant, ceci expliquant cela.
Laissant derrière nous notre loup enragé, nous tombons sur nos copains du J1, le couple franco-portugais de Coco. Le début est classique, bien que je n’arrive pas à expliquer la présence nombreux tapis de yogas par terre. La raison d’iceux apparaît lorsqu’une dizaine de couples divers et variés commencent à faire un spectacle des plus improbables, sur fond musical : contorsions, jonglages, escalade, saut périlleux et autres acrobaties plus étranges les unes que les autres. Ces dames passent de la position assise à debout, sur les cuisses et les pieds de leur partenaires tandis que d’autres font l’ange en parallèle. Nous sommes transportés dans un univers parallèle et incrédule durant une grosse dizaine de minutes. Fils ne cherche pas plus à comprendre que moi et c’est sur cette expérience étrange que nous quittons notre Dear Douro.
Franceshina, meu amor
Au pied de notre immeuble, à environ deux minutes sur les mains, j’avais repéré un restaurant faisant l’angle et affichant ouvertement une promesse des plus alléchantes : « Francesihna desde 1992 ». Comme je n’ai peur de rien et que sortir des recettes culinaires battues est un vrai plaisir, ce genre de tentation ne pouvait être manquée. C’est donc au Caffe Nelma (Rua do Paraíso 19) qu’a eu lieu ma première, immortelle et inoubliable rencontre avec la Francesinha portuane, véritable cadeau de ville au Patrimoine Gourmand Mondial. Il est compliqué (voire même impossible) de décrire concrètement ce qu’est une Francesinha tellement l’aspect et la dégustation sont déroutants. Il faut essayer d’imaginer le repas comme une fouille archéologique où chaque strate, chaque bouchée, chaque nouveau morceau dévoilerait une nouvelle saveur, un nouvel ingrédient. Sur Twitter, certain.e.s ont comparé ce plat à de la poutine portugaise, à l’enfant illégitime né de la rencontre d’une poutine et de lasagnes, à un Welsh ou encore un Hot Chicken québécois.
Même la définition wikipedienne ne semble pas réussir à mettre précisément les mots. Sachez simplement que c’est gros, lourd, fromageux et pimenté à la fois, que c’est le pire cauchemar des végans, que les variantes sont infinies, que c’est servi avec des frites et qu’en reprendre une seconde fois au cours du même repas équivaut à se condamner à passer l’éternité dans le huitième cercle infernal d’Azamoth le Pustuleux, celui-là même réservé à ceux qui meurent d’une indigestion et qui souffriront de douleurs stomacales pour toujours.
Et Fils dans tout ça ? Je lui ai épargné les affres d’un tel plat et c’est avec un plaisir infini qu’il a regardé Boavista se faire démonter par Guimaraes (à la télé) tout en mangeant l’équivalent (d’après moi) des croque-monsieur : les Tosta Mista, du pain de mie grillé avec jambon blanc et fromage. Après avoir payé la somme mirobolante de 18€ (pour deux, avec deux bières, un jus d’orange et deux mousses au chocolat), nous sommes rentrés repus et satisfait à notre appartement avec, en ligne de mire, notre voyage du lendemain et une nouvelle étape !
Dimanche – Guimaraes, l’est un beau château.
Le ciel pleure
Pour la première fois depuis notre arrivée, c’est sous une fine bruine que nous quittons Porto la belle, Porto la folle, Porto la riante. Sur le chemin menant à la gare Sao Joao (avec ses décorations historiques en azulejos qui font le bonheur des touristes et l’horreur des locaux), je jette un regard dédaigneux au métro, emprunté une seule fois durant notre séjour et trace ma voie vers le train. Fils, bien à l’abri dans la poussette, se raconte à lui-même mille et une histoires en compagnie de Petit Loup, notre nouveau compagnon de voyage. Les tickets, achetés la veille pour une poignée d’euros (3€ pour être exact), directement au guichet, ne sont pas nominatifs : c’est donc au petit bonheur la chance que nous avançons le plus loin possible sur le quai jusqu’à monter dans le premier wagon du train où nous prenons place. L’heure de trajet qui s’ensuit n’offre aucune péripétie : de nombreux arrêts, une étrange odeur de chien mouillé (il y en avait effectivement un planqué pas loin, hors de ma vue) et une arrivée sans tambours ni trompettes à Guimaraes, le berceau supposé du Portugal.
Guimaraes, aqui nasceu Portugal
Alors que le ciel pleure toujours, nos premiers pas guimaraéchien ne sont pas notables : une avenue, quelques rues et une place. A l’entrée de cette place, un mur immense où s’affichent ces quelques mots : AQUI NASCEU PORTUGAL. Ici est né le Portugal. Serions-nous donc arrivés à la maternité ? C’est ce que je propose à Fils : d’aller vérifier séance tenante, après un tout petit détour par notre auberge de jeunesse, une rencontre avec la responsable lusitanophone (exclusivement) et la promesse de payer mon hébergement dès le soir. C’est donc en début d’après-midi que nous partons explorer ladite maternité dont je ne sais strictement rien vu que je suis arrivé ici sur les conseils avisés d’une copine locale (coucou Caro, si tu lis ça, merci) et que je n’ai pas du tout fouiné dans les guides avant de venir.
Le temps commençant à s’améliorer, c’est donc avec le sourire aux lèvres et la faim au ventre que nous avançons dans les ruelles plus ou piétonnes du centro historico avec une idée en tête : bouffer. Le contraste entre le samedi portuan et le dimanche guimaraéchien est flagrant : peu d’activités, un OT fermé et un détour immédiat vers une adresse chaudement recommandée : Gosto Supremo (R. Paio Galvão J 2, 4800-162 Guimarães). Comme d’habitude, je choisis la nourriture à vue d’œil et tente d’établir vaguement une communication bilatérale avec la très sympathique équipe du restaurant… qui m’avouera, après vingt minutes, qu’elle comprend très bien le français mais qu’elle a adoré mon essai en langue locale. Après un nouvel aléas de carte bancaire et un détour par le distributeur, nous partons donc derechef explorer Guimaraes.
Guimaraes, tu es Petrus.
Tout de suite, les différences avec Porto explosent à l’œil : tout semble ici plus serein, plus calme, plus reposant et reposé. L’architecture se fait vieille, pavée, noble. Des arches surgissent au détour d’une rue, des places se dessinent, encadrées par des bâtisses ancestrales. Nous commençons à retrouver certaines vieilles habitudes solidement ancrées et je laisse très vite tomber mon idée de faire un quelconque circuit, d’autant plus que Fils décide de faire comme le soleil : se réveiller et sortir de la poussette pour gambader devant la Camara Municipal, une bâtisse du meilleur aloi.
Au fur et à mesure de notre épopée pédestre, je remarque que la pente se fait de plus en plus prononcée (presque à angle droit) et que nos pas, insensiblement, nous ont mené vers les Joyaux Locaux, LES trucs à ne pas rater : le Palais des Ducs et le Château (très fort). Nous prenons, à ce moment, notre première bonne baffe devant la beauté réelle des lieux. Tout pue la majesté, suinte la grandeur et réclame émerveillement. Jusqu’à présent, cette ville de Guimaraes était belle : elle devient d’un seul coup magique.
Nous laissons de côté le Palais des Ducs (pour une sombre histoire d’horaires de visite) et fonçons à toutes roues vers l’imposant Château, habité jadis par Alphonse 1er (dont la construction débute au Xième siècle, c’est dire s’il est vieux et qui, d’autre part, est l’une des 7 merveilles du Portugal). Comme tout bon touriste qui se respecte, je sors de suite l’appareil photo pour immortaliser, au grand angle, la masse granitique imposante de ce mastodonte venu du fond des âges. Las, là-haut perchée, une Instagrameuse (supposée) ou Seriale Selfiteuse (avérée) passe quinze minutes (réelles) à se shooter sous tous les angles autorisés par la Physique terrestre. Etant aussi borné, têtu (et idiot, probablement) que certains, je refuse de lâcher le moindre bout de terrain et je finis par réaliser ma photo tandis que Fils m’observait en rigolant franchement.
Après avoir payé (une nouvelle fois) le prix assourdissant de 2€ pour la visite (et avoir abandonné par la même notre poussette à l’accueil), nous entamons le tour des murailles. Il faut savoir qu’il ne reste, peu ou prou, que deux choses de toute la forteresse : le Donjon (avec la plateforme du sommet hélas pas accessible au moment de notre passage) qui abrite une exposition sur la royauté et les murailles. Le tour d’icelles est des plus impressionnants. Une petite quinzaine de minutes (et en prenant le temps) suffit à parcourir le périmètre mais l’impression laissée est forte, très forte.
Du coup, fatigués que nous sommes, nous partons nous réfugier dans le parc qui entoure les lieux et posons nos fesses endolories sur un banc… d’où ne bougerons que 90 minutes plus tard.En ce parc et en lieu, nous n’avons fait « que » vivre et, en toute honnêteté, c’était fabuleux que de profiter d’une immense séance de rigolade, de jeux, de repos, de courses-poursuites, de rires et de sourires, avec mon fils. C’est probablement aussi cela que je recherchais, en organisant ce voyage en tête à tête : des moments qui n’appartiennent qu’à nous, simples et beaux, banals et immortels. J’ai même goûté à un plaisir rare, très rare : n’en avoir rien à faire que mon téléphone n’ai plus de batterie, ce qui en dit d’ailleurs long à propos de ma surconnexion au quotidien (ce qui est une toute autre histoire).
Notre première journée à Guimaraes s’est conclue en beauté, par un passage au supermarché, une agression olfactive en arrivant à la poissonnerie (la morue séchée, bordel que ça sent fort), un dialogue succinct pour retrouver le chemin de l’auberge, un repas dans la même auberge et une petite balade nocturne digestive qui m’a fait dire qu’un dimanche soir à neuf heures, tout le monde roupille au Portugal !
Lundi – Le fils conducteur.
Rencontres de toutes sorties
Pour cette avant-dernière journée portugaise, une surprise de taille nous attend : un rendez-vous a été calé dans le désert de notre planning, tel un oasis apparu au milieu de nulle part. C’est donc sous le chaud soleil local que nous retrouvons Violaine de Vio Vadrouille, collègue amoureuse d’Erin et toute fraiche expatriée au Portugal. La dernière fois que nous nous étions vu, c’était à Belfast, en octobre 2016, lors de notre roadtrip en Irlande du Nord. Serait-il écrit que nous ne devions nous rencontrer qu’aux Antipodes ? En tout cas, nous passons un chouette moment à réécrire nos mondes et à nous mettre mutuellement à jour : un (vrai) petit plaisir que de pouvoir converser dans sa langue natale avec quelqu’un d’autre qu’un enfant de trois ans (certes loquace mais au discours un petit peu embrouillé).
Dans la droite lignée de cette belle rencontre, je décide de prendre le taureau par les cornes, de devenir acteur de notre séjour, de vivre et de plus subir, de choper ce voyage à bras le corps et d’aller de ce pas à l’Office de Tourisme. Nous y sommes reçus par deux charmantes personnes, ravies de pouvoir nous renseigner et de nous apprendre tout ce qui est possible de savoir sur les activités de Guimaraes. Seul souci dans le gravier du pâté : pas mal de choses sont fermées le lundi dont le téléphérique amenant au sommet du Parqua da Penha, l’espèce de montagne locale où trône une statue religieuse. Pour s’y rendre, une seule solution : prendre le bus de 14 heures (sachant qu’il est 11 heures). Du coup, j’oublie très vite la perspective d’effectuer un pèlerinage et notre choix se porte sur un après-midi à la Cité des Sciences locale, la Curtir Ciênca. Dans l’attente, il faut cependant bien faire quelque chose et notre mission sera donc de trouver un endroit où manger.
Le meilleur restaurant de tout les temps
Pour ce faire, je décide de suivre les recommandations de Trip Advisor où les avis sont surs, objectifs et pondérés mon instinct, comme d’habitude et c’est ainsi, qu’au détour d’une ruelle, après avoir tourné cinq minutes en rond entre la gare routière et la place principale, nous arrivons à une perle absolue : la Xícara d’Xá, (sise Rua de Camões nº 114 / 114 A).
Pour faire court, tout était absolument parfait en ce lieu : des tables à hauteurs d’enfants, un patron (et sa maman) d’une gentillesse incroyable, un plat fait sur mesure, une francophonie bienvenue, une addition d’une légèreté improbable, le tout nappé dans une patience incroyable au regard des revendications de Fils (qui a osé refuser une part de gâteau recouverte de chocolat à sa demande…). Des sourires à ne plus savoir qu’en faire, une décoration simple, de la bonne bouffe et l’impression d’être chez des amis : ma meilleure adresse à Guimaraes, tout simplement !
Comme un malentendu
Une fois quitté notre paradis (où nous sommes repassés fissa-fissa pour récupérer les jouets de Fils oubliés dans une table), c’est donc vers la Curtir Ciênca que nous allons, au prix de quelques (magnifiques) détours dans Guimaraes. Une fois arrivés sur place, c’est la surprise qui apparaît sur les visages de mes interlocuteurs (au nombre de trois) : il apparaît en effet que la seule activité possible en ce lundi, en ce musée et en notre présence est une visite guidée, en anglais. Aucun jeu pour les enfants. Aucun atelier scientifique. D’ailleurs, il semble même que notre présence frôle l’hérésie, à en croire les regards dubitatifs échangés. Sur le coup, j’avoue m’être demandé fortement si l’on n’était pas en train se foutre, dans les grandes largeurs, de ma gueule. Pourquoi donc est-ce que l’Office de Tourisme m’aurait orienté sur cette structure ? Pourquoi mettre en avant, dans le guide local, ce musée comme adapté aux enfants et avec des activités scientifiques ? Après mûre(s) réflexion(s), je privilégie cependant une sorte d’incompréhension, un malentendu dans la communication interne. Il semble apparaître que les activités ne se font que le week-end, dans le cadre – également – de visites guidées. Du coup, de la Curtir Ciênca, nous ne vîmes que la (belle) cour et le (joli) quartier adjacent.
Le Parc du Prince
Dès lors, me voila pris à mon propre piège : ayant promis à Fils qu’il pourrait jouer cet après-midi là, il ne saurait être question de me déjuger, de le trahir, de le poignarder dans le dos. Du coup, que pensez-vous que nous fîmes ? Et bien, en toute simplicité, nous fonçâmes, ventre à terre, vers le Parque da Cidade, sans aucune idée de la direction ni du chemin à prendre. C’est un Papy croisé qui m’a indiqué, avec force mouvements de main et de doigts, les directions à prendre et le temps à prévoir, le tout conclu par une tape sur l’épaule et un magnifique sourire, preuve s’il en est encore besoin que Google n’a rien inventé et que la communication humaine vaut toutes les interfaces du monde virtuel.
Du Parc en lui-même, il y a peu à dire : une basse-cour en liberté (pour de vrai), des poissons géants dans l’étang, une belle aire de jeu et… la rencontre de nombreux expatrié.e.s ! Tandis que Fils gambadait comme le premier dahu venu, j’ai ainsi tapé la discussion avec une irlandaise de Galway, mère de deux enfants et nouvelle propriétaire foncière locale. Nous avons parlé Irlande, allaitement, brexit, éducation enfantine, coût de la vie et religion. C’est ensuite avec une famille française de Bretigny que j’ai causé des foules aoûtiennes et des soucis de RER C à Paris (un sujet immanquable entre français à l’étranger : se plaindre des transports). Il apparaît que le Parc de la Ville est le seul endroit où les enfants puissent jouer (et c’est en effet le seul que j’ai trouvé pendant nos pérégrinations).
L’après-midi touchant doucement à sa fin, qu’allions-nous donc faire ? Sans téléphone ni planning, il n’y a pas lieu de se prendre la tête : nous retournâmes donc dans le même parc que la veille, nous asseoir sur un autre banc, pour regarder la Vie suivre son cours et profiter d’un nouveau moment à deux, sous le regard amusé d’un couple d’ados aussi timide que charmant et pour qui mes grognements incessants devant les toutes autant incessantes demandes de Fils furent sans doute la meilleure des publicités pour la contraception.
La dernière soirée au Portugal
Pour notre dernière soirée au Portugal, j’avais envie de nous offrir un restaurant de poissons, quelque chose d’un peu classe et de goutu. Cependant, il est bien connu que les meilleurs plans ont toujours une faille. En l’occurrence, la faille de mon plan fut la sieste totalement impromptue de Fils qui déclara, vers cinq heures trente, « qu’il était un peu fatigué et qu’il voulait se reposer dans la poussette ». Ladite sieste s’étant transformée en véritable hibernation, ma soirée rêvée a mué pour passer de carrosse en citrouille (et ce bien avant minuit). Je me suis donc retrouvé à manger une assiette de pâtes avec du jambon devant un multiplex du premier tour des championnats du monde de Curling féminin.
J’avoue avoir tenu jusqu’à neuf heures du soir pour finalement craquer et aller dévaliser le café-épicerie-boulangerie situé non loin et justifier ainsi une (toute petite et dernière) virée nocturne, sous les yeux embués et mal réveillé d’un Fils totalement dans le cirage (et qui s’est rendormi aussi sec une fois revenu dans la chambre et installé dans le lit).
Mardi – Adeus Portugal
La der’ des der’
Mardi matin, neuf heures. Nous prenons notre solide petit déjeuner (bien augmenté par les pâtisseries achetées la veille) avec une seule obligation en tête : ne pas rater le bus de onze heures et demie qui va nous amener à l’aéroport de Porto. En-dehors de cela : rien à faire, rien de prévu, rien d’organiser. Du coup, j’en profite pour mettre en place quelque chose que j’abhorre en temps normal : caser, en toute dernière minute et en express, une visite, celle du Paço dos Duques de Bragança, (le Palais des Ducs de Bragance en VF). C’est donc à toute vitesse, avec Fils sur les épaules et en grillant la priorité à un immense groupe scolaire que nous nous retrouvés en pole-position pour acheter les billets et visiter, ô honte suprême, en un éclair le Palais, avec ses magnifiques appartements et sa lumineuse chapelle. Un petit tour et puis s’en vont… mais avec la morale et la satisfaction d’avoir quand même, envers et malgré tout, visité le Paço !
Un bus, un aéroport, un avion
Le reste de notre trajet retour n’est que routine(s) : un bus qui ne coûte que 8€, avec des sièges en cuir inclinables et qui arrive avec 25 minutes d’avance à l’aéroport de Porto, Fils que j’envoie acheter des bonbons avec 1€ et qui revient avec le double dans un sac en plastique (pour la minute #VieDeParent et m’éviter des appels de la Ddass : j’étais à côté, en train de charger la poussette à l’Oversize et il est resté tout le temps dans mon champ de vision et d’action), un passage spécialement dédié aux familles à la fouille des bagages, les retrouvailles émues avec des passages connaissant Fils dans l’avion (nos voisins à l’aller, ai-je compris plus tard) et un vol où nous avons joyeusement coloriés les publicités d’EasyJet (vous savez, les feuilles sur les sièges que l’on peut enlever) tout en profitant du spectacle de Paris vue d’en-haut.
Et alors, ton bilan ?
En un mot comme en 8000 : exceptionnel. La gentillesse des gens, le coût de la nourriture, l’intensité des moments passés à deux, la variété des paysages, la folie tranquille de Porto et la classe de Guimaraes: tout ça (et en réalité bien plus encore) font que retourner au Portugal en famille est l’une des priorités des années prochaines. Ce fut une première fois magnifique qui en appelle forcément d’autres !
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