Un navire du cimetière de navires du Bono, dans le Morbihan

Vous avez reçu une lettre.

15h19.
Le Bono

Cher toi,

Comment vas-tu ?

Cela fait bien longtemps que je ne t’avais pas écrit une lettre. Comme d’habitude, je vais accuser la fatigue, le temps maussade, les vacances, les urgences du quotidien sans cesse repoussées par les aléas, les broutilles que l’on pensent incontournables mais qui ne sont en réalité que superflu.

Mais bref !

Toute la famille (moins un) vient de partir et j’ai la maison pour moi. Du coup, l’occasion est trop belle pour ne pas être saisie, attrapée, agrippée et c’est ce que je fait ! Alors, que donc te raconter que tu ne saches déjà ? Je ne sais plus trop de quand datent mes derniers mots mais, pour faire court, nous sommes arrivés dans le Morbihan.

Je vais accuser la fatigue, le temps maussade, les vacances, les urgences du quotidien sans cesse repoussées par les aléas, les broutilles que l’on pensent incontournables mais qui ne sont en réalité que superflu.

Connais-tu le Morbihan ?

C’est un petit bout de terre breton où nous venons régulièrement depuis quelques années, saluer la famille ici installée. Nous y prenons nos quartiers, en toute saison, avec nos repères et repaires immuables, qui semblent intangibles et de toute éternité. Là, par exemple, nous sommes au Bono. Enfin, à Le Bono pour être exact, bien que je t’avoue avoir un doute quant au gentilé officiel à utiliser. Du coup, je vais m’en tenir à la première version, c’est plus simple.

Et donc, le Bono, c’est l’un de ces repères-repaires : un endroit que nous commençons à connaitre relativement bien, à force d’y (re)venir. Nous savons où se trouvent les belles balades, où aller manger le soir et quels magasins fréquenter pour être sur d’avoir de la vraie bonne qualité bretonne comme on l’aime.

Il y a des choses que j’adore faire de par ici. Notamment une dont je dois absolument te parler car, si tu viens aussi, tu devras absolument la faire aussi. Pas le choix, je t’assure. Donc, voilà, je parle d’une promenade. D’une balade. Un peu pèlerinage, un peu hommage, un peu émouvante.

Nous y prenons nos quartiers, en toute saison, avec nos repères et repaires immuables, qui semblent intangibles et de toute éternité.

Pour y aller, rien de compliqué, tu laisses la mairie derrière toi, tu descends vers le port et tu prends le pont. Pas le moderne hein. Non, l’ancien, le vieux, le beau, le magnifique. Celui qui semble ne pas avoir bougé depuis des siècles. Tu l’empruntes (sans oublier de le rendre après, évidemment) et tu tournes à droite au bout. Gaffe, il arrive que le chemin soit fermé auquel cas il faut rester sur les hauteurs et passer la forêt.

Tu marches, une poignée de minutes et tu y arrives. Tu vois, tu observes, tu t’interroges. Tu doutes, même. Est-ce bien ce à quoi tu penses ?

Oui : tu es bien à un cimetière de navires, dont il ne reste parfois qu’une simple ossature, quelques planches éparses qui semblent arrêtes de poissons à marée basse et récif à marée haute. Ici donc, prends le temps, tout le temps. Cherche l’histoire, l’Histoire. Essaye de retracer d’où ils viennent, ces navires, comment ils sont arrivés ici, pourquoi, dans quel but ? Où ont-ils navigués, quand, avec qui ? De quels océans ont-ils affronté les vagues ? Quels poissons ont-ils pêchés ? Quel était leur port d’amarrage ?

En pensant à eux, tu les fais vivre.
En t’arrêtant, tu les fais rougir.
En observant, tu les rends fier.

Et, quand tu auras eu ta dose de bateaux, que tes pas te portent plus loin, aussi loin que le sentier et ton envie t’y autorisent. Laisse-toi guider, bercer. Laisse-toi aller, doucement, porté par le vent du Morbihan, passant entre les gouttes (qui sont bien nombreuses cette année). Salue les oiseaux et les randonneurs.

Et quand tu prendras le chemin du retour, arrête-toi donc une seconde fois quelque part non loin de là. Vers le port. Sur le quai d’un bateau ou sur le pont. Et profite, tout simplement de cet instantané du Morbihan que je partage avec toi le temps d’une lettre, d’une missive, de quelques mots, de quelques lignes.

Voilà, pendant que je tapais tout cela, la famille a commencé à revenir. J’entends les portes s’ouvrir et se refermer et il va être temps de tout clore, de vérifier l’adresse, de sceller l’enveloppe et d’aller à la poste.

J’espère te revoir bientôt, ici ou là et, en attendant, je te souhaite de très belles vacances !
Bien à toi,
Cédric