Dix livres à lire (dix fois chacun)

D’aussi loin que je me rappelle, je suis toujours parti avec un ou plusieurs livres dans mes affaires. Depuis que j’ai découvert le monde extraordinaire de la lecture, les bouquins sont restés mes meilleurs amis, fidèles, discrets, présents et attentionnés. Lorsqu’on me demande, au détour d’une conversation, comment je fais pour ne pas rester seul pendant un voyage, je me contente de sourire énigmatiquement, de fouiner quelques secondes dans mon sac et de sortir mon pote du moment. Les réactions sont amusées, moqueuses, cordiales mais, en aucun cas, plates. Tout le monde possède CE livre à lire, CE roman à déguster de toute urgence, toute affaire cessante. Comme je suis quelqu’un qui aime égaiement partager, je vous propose, en ce lundi 14 septembre, une sélection subjective de dix livres à lire et, surtout, à relire car, comme le disait avec justesse et raison François Mauriac : « Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es, il est vrai, mais je te connaîtrai mieux si tu me dis ce que tu relis ! »

Dix livres à lire (dix fois chacun)

Si c’est un homme

J’ai 16 ans et D. vient de m’offrir un livre dont j’avais vaguement entendu parler mais qui va me marquer à jamais. La force de l’écriture, l’intensité dramatique, la banalisation de l’horreur et le talent de Primo Levi font de Se questo è un uomo une oeuvre dont la lecture devrait être obligatoire. D’ailleurs, à force de l’avoir lu et relu, je connaissais quasiment le livre par coeur… ce qui m’a sauvé lors d’un oral d’italien en seconde année de fac’ et m’a permis de décrocher une très belle note (mais c’est une autre histoire).

Mon bel oranger

On commence par une page, par nostalgie ou curiosité. Quelques grosses poignées de minutes plus tard, il est impossible de décrocher de cet opus majeur signé José Mauro de Vasconcelos. Loin de n’être réservé qu’aux enfants, ce récit sublime d’une enfance brésilienne placée sous le double signe de la violence et de l’Amour ne cesse de me faire pleurer et sourire, même plus de vingt ans après sa découverte.

Les thanatonautes

Un jour, au lycée, quelques camarades se sont mis en tête de faire un exposé et de présenter un auteur dont je n’avais jamais entendu parler : Bernard Werber. Les louanges étaient telles qu’un jour, lors d’un voyage dont le but m’échappe mais qui me fit passer par Chalon sur Saône, le hasard me trouva errant au rayon livre du supermarché local, avec trente francs en poche et l’envie d’acheter un livre… qui se trouva être Les fourmis Vol.1. Depuis ce jour de 1998, je suis devenu un accro’, un junkie, un drogué de tout ce que peut produire le Sieur Werber, de l’extraordinaire au passable en passant par le mauvais. Les Thanatonautes constitue mon œuvre favorite et je ne me lasse jamais de replonger dans les voyages comatiques de Michael Pinson et Raoul Razorback.

Les thanatonautes

Le cercle littéraire des amateurs  d’épluchures de patates

Chaque livre évoqué ici possède son histoire et celui-ci ne déroge pas à la règle puisque j’ai fait sa connaissance à l’autre bout du monde, dans une auberge proche du Lac Tekapo, en Nouvelle-Zélande. Après une session épique de stop, j’ai atterri – presque par hasard – dans cette région et, le soir, seul dans la salle commune, affalé sur un canapé, ma main a heurté un gros truc : ce bouquin, abandonné, seul, isolé sur une table basse, avec une anomalie terrible, à 20 000 bornes de l’Amère Patrie, constitué en son titre, français. Du coup, le reste de mon séjour au pays des Kiwis a été partagé avec ces charmantes dames et leurs échanges épistolaires d’un autre temps, délicieux et suranné !

Le lièvre de Vatanen

Parc national de Petkejarvi. Juillet 2010. Je dirige un séjour itinérant, en tant que directeur. Nos pas ont commencé en Estonie, gravitent par la Finlande avant de partir vers Saint-Petersbourg et la Russie. Il pleut des cordes en ce jour et le groupe s’est réfugié dans la salle du parc national pour regarder Le Seigneur des Anneaux. Tout le groupe ? Non, car une poignée d’irréductibles est restée dehors pour papoter. C’est justement dans ce groupe que je connais ma première expérience de Book Xchange : j’ai troqué les Rhinocéros de Ionesco contre le Lièvre de Vatanen, ce qui me permet de me replonger dans l’univers fabuleux d’Arto Paaselina, le plus grand écrivain scandinave de tous les temps.

Le lièvre de Vatanen

Le vol des cigognes

Si vous avez déjà fait des vacances entre potes dans l’Aveyron, sur l’invitation aussi impromptue que charmante d’un pote dénommée Gildas, vous savez qu’il est dangereux de jouer au caïd avec le pinard du coin. Vous savez aussi que la sieste est un sport national très recommandé. Vous savez de même que, dans cette chambre située en haut de la maison, à droite de la salle de bain, il se trouve une commode avec un polar, écrit par Jean Christophe Grangé et intitulé Le vol des cigognes. Si vous savez tout ça (et je n’en doute pas), inutile de vous dire que je n’ai jamais rencontré une telle exactitude dans les descriptions géographiques, une telle qualité dans les intrigues et que ce monsieur est mon idole (ou presque) dès qu’il s’agit de causer romans policiers.

Choses vues

Si je vous dis que les blogs existaient avant l’arrivée d’Internet, pensez-vous que je sois fou ? Non, simplement que nous parlons d’un autre support : le papier, dans une même logique : raconter sa vie (la différence ne tient que dans la diffusion et la visibilité). Parmi tous ceux qui se sont livrés à cet exercice, il ne fait nul doute que le plus grand d’entre tous est Monsieur Victor Hugo. Sans dérouler son interminable biographie, sachez que je voue un culte à cet homme, qui fut le plus Grand de son époque (et dont les Châtiments m’ont permis de décrocher un 15/20 au Bac Français). Les Choses Vues sont un recueil de notes prises au cours de sa vie, de ses voyages et de son exil. Tantôt banales, fulgurantes, subtiles, acérées, elles sont un témoignage inestimable du génie banalisé.

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HHhH

A Paris, j’aime particulièrement me promener vers Saint Michel et passer de longues minutes à fouiner chez Boulinier LA libraire d’occasion du quartier. Il ne se passe pas une seule semaine sans que j’y passe, histoire de ravitailler mon flux lectural que je ne supporte pas de voir interrompu. Or, il y a sept jours, j’ai dépensé la somme faramineuse de 2€ pour me porter acquéreur de HHhH, un livre de Laurent Binet (auteur que je ne connaissais ni d’Eve d’Adam). Le style est curieux, mixant pensées personnelles, notes d’écritures, passage intime et récit historique avéré avec, en fil rouge, l’assassinat de Reinhard Heydrich par deux parachutistes tchèques de l’opération Anthropoïde. J’ai ouvert le livre, parcouru quelques lignes et me suis abandonné à la lecture : un moment extraordinaire qui s’est conclu par deux heures de navigation pour recouper les faits et m’informer plus avant.

Gang Leader for one day

Pendant un long voyage en bus, les moyens pour se distraire sont nombreux. Pour ma part, après observé le paysage, discuté avec ma voisine, refait pour la XXXX² ème fois mon itinéraire, j’aime lire. Aussi, lorsque j’ai traversé le Canada en bus (une semaine pour faire Montréal – Whitehorse), l’arrêt à Edmonton a été une occasion merveilleuse, extraordinaire, fabuleuse de foncer dans une libraire m’acheter un livre. C’est ainsi que j’ai trouvé ce bouquin assez atypique, très nord-américain, contant la découverte, par un étudiant en sociologie, de l’univers des banlieues de Chicago, sa rencontre avec un chef de gang et ce qui s’ensuivit. Une lecture très intéressante, profonde et qui ouvre un éclairage assez étonnant sur les USA.

gang leader

Passagère du silence

« Un jour, elle a en eu marre et elle partie dans le Sichuan apprendre auprès des vieux maitres locaux ». Tel pourrait être résumé, en une phrase, l’histoire extraordinaire de cette jeune toulousaine qui a tout claqué pour aller vivre son rêve aux confins de l’Asie, dans les années 80. J’ai acheté ce livre à l’instinct et je me suis régalé à suivre les aventures de l’auteure qui, bien que parfois un petit peur « perchée » dans son approche de calligraphie (enfin pour moi hein…) donne envie de partir prendre le train pour le bout du monde. L’histoire est belle, bien narrée et constitue une introduction idéale à un art (que je pense) méconnu de par chez nous.

Tous ces livres sont trouvables en bonne librairie (de préférence), sur Internet (surement chez Amazon mais bon…) et sont autant de moments de bonheur à venir. Si vous voulez voyager encore plus, n’hésitez pas à partager vos coups de cœur, vos recommandations, vos envies de lecture : elles sont les bienvenues.

pouceux

PS : Je ne résiste pas au plaisir super méga-égotique de caser LE bouquin dont je fais partie, où j’ai été publié. Ma fierté s’en trouve ainsi flattée et mon orgueil sauvegardé. Sachez aussi que l’intégralité du livre est génial (forcement).