Le marais de Conte

Les 7 vallées du Ternois

Les 7 vallées du Ternois, c’est un territoire dont je n’avais jamais entendu parler et dont je ne soupçonnais même pas, à vrai dire, l’existence avant d’y mettre les pieds pour la première fois, il y a de cela quelques jours. Situé dans le sud-ouest du Pas-de-Calais, s’étendant sur une superficie de 670 km², c’est une communauté de 69 communes (pour environ 30 000 habitants), organisée peu ou prou autour de Hesdin et Saint-Pol-sur Ternoise et tirant son nom des sept fleuves et rivières qui irriguent la zone : la Canche, l’Authie, la Ternoise, la Planquette, la Créquoise, le Bras de Brosne et l’Embrienne (qui, en-dehors de l’Authie, sont tous des affluents de la Canche, fleuve qui finit par ailleurs par se jeter dans la Manche). Cependant, les 7 vallées ne sont pas que cela : elles sont aussi (et surtout) un vaste espace de jeux, de découvertes, où les surprises côtoient les surprises, où il fait bon voyager, s’installer, se reposer. Entre vaches paissant paisiblement, châteaux et champs de batailles, routes désertes et monuments historiques, friteries bancales et restaurants étoilés, nuits étoilées et soleil ardent, jardins entretenus et marchés du terroir, voici le récit, subjectif et amoureux, de cette première fois familiale et estivale, au Pays des Sept Vallées du Ternois !

Au cœur des Vallées

Revenir là où je ne suis jamais allé

Connaissez-vous cette impression, assez délicieuse, de déjà connaître un endroit sans y être déjà allé auparavant ? Ou alors, peut-être, de ressentir des ondes, des vibrations, les échos d’un précédent, qui résonnent ? Cela peut également être quelque chose de plus chimique, de plus intime : un sourire qui nait doucement sur un visage, un regard qui reste tourné par la fenêtre, un silence douillet qui s’installe dans un habitacle. Tout cela (et sûrement bien plus encore), c’est ce que m’ont inspiré ces quelques jours ternois : le sentiment profond d’être revenu en un lieu aimé et chéri, en une place où je suis bien, où j’étais attendu et où ma présence est naturelle, comme inscrite dans un mystérieux ADN commun.

Cette sensation – difficile à transcrire – je l’avais déjà connu en d’autres temps et autres lieux mais je la retrouve surtout lorsque je repense à la Thiérache. Je ne sais pas vraiment ce que partagent ces deux territoires mais je sais par contre ce que moi, j’y trouve et retrouve : une terre simple et humble, honnête et authentique. Nul besoin ici de se camoufler derrière des slogans, des promesses intenables : le paysage, le patrimoine et les rencontres parlent d’elles-mêmes, d’une façon presque ancienne, un peu surannée, cordiale, directe. Les panneaux en bord des routes sont souvent camouflés par les arbres, les routes sont aussi sinueuses que peu fréquentées et même le GPS avait du mal à accepter sa mise à jour. Il m’a semblé que nous avons croisé bien plus de tracteurs que de bus, bien plus de sourires que de visages fermés, bien plus de bovidés ruminants que de touristes.

D’ailleurs, de touristes, nous n’en vîmes que peu, en-dehors de nous-même. Que ce soit dans les châteaux, les champs de bataille ou les jardins – et à l’exception notable de ces hollandais pique-niquant à même la départementale – j’ai eu, nous avons eu, l’impression d’être les seuls à être venus dépenser notre temps libre dans les 7 vallées du Ternois. C’est dommage, vraiment, car ces absents (qui ont forcément tort) ne savent pas ce qu’ils ratent, ce qu’ils manquent, ce dont ils passent à côté. J’ai presque envie, d’ailleurs, ne pas trop en dire, pour conserver, pour garder secret ce petit morceau de France que je présume intact, protégé.

C’est rassurant, d’ailleurs, ce genre de découverte, ce genre de voyage : savoir qu’il y a, qu’il y aura toujours, à côté de chez soi, dans cette région frontalière, ce genre de cocon, de micro-pays. Cela prouve – s’il le fallait – que la France regorge vraiment de tellement de Terrae Incognitae qu’une vie entière ne doit pas suffire à en faire le tour et que c’est vraiment, vraiment tant mieux. Bref, les 7 vallées ne sont plus des inconnues : je sais désormais où elles se trouvent, je sais désormais ce qu’on peut y faire et je sais une chose plus importante que toutes les autres : nous y retournerons !

Le Ternois est une terre de lenteurs, qu’il faut prendre le temps d’explorer doucement, pour la savourer pleinement, sans se stresser, sans se presser : c’est là le coût du bonheur !

Instantanés ternois

« Tu es sûre qu’elle est en sens unique cette route ? Parce que si une voiture vient en face, je te dis pas le carton qu’on va faire ». Aller voir le petit chevreau de cinq mois qui a perdu sa mère et lui donner, jusqu’à plus faim, des feuilles de troène fraichement cueillies. La nuit dans la cabane, quand tout le monde dort. Chercher un restaurant et finir dans une friterie. Tester des recettes avec du maroilles, sous toutes ses formes. « J’adore le nom des villages dans cette région. C’est d’une poésie ». Regarder les vaches qui regardent passer les voitures. Retourner voir le chevreau. Gagner un ours-chien en peluche. Aller à la friterie. Donner des feuilles de troène au chevreau pour la vingt-cinquième fois de la journée. Découvrir que nous logeons dans le pays de Bernanos. Se faire accueillir avec un verre de limonade glacée. Tout faire pour ne pas craquer devant toutes les bières brassées dans le coin (et finalement craquer, comme de bien entendu). Le regard atterré de #DeT en m’entendant commander un nouveau plat à base de maroilles. L’absence globale de touristes dans la région : un mystère majuscule et inexpliqué. La lune tournoise, rouge et immense, au cœur de la nuit. Les bêlements du chevreau qui répondent aux cris des coqs en rut et aux gloussements des dindons. Les panneaux de limitation de vitesse planqués dans la végétation. Une grand-mère et sa petite-fille qui s’offusquent de se voir demandé si elles veulent « une petite ou une grande portion de frites ». Fils qui court partout, heureux, les bras chargés de fleurs de troène pour le chevreau. Fils déguisé en chevalier qui veut savoir en quelles couleurs jouent l’Argentine. Fils, fascinés par le fonctionnement des armes de siège dont le bien-nommé couillard. Ma tête dépitée devant le pique-nique hollandais à même la départementale. Le chevreau qui repart manger. Les poulains qui tètent leurs mères de très bon matin. Un petit déjeuner au soleil. Les blagues d’un GPS pas mis à jour et qui se perd dans les ronds-points. Les traits discrètement tracés dans la terre du labyrinthe pour ne pas me perdre. Le chat qui quémande des caresses pour mieux piquer le jambon de fils, directement dans son sandwich. La côte d’amour des chats qui tombe en chute libre, sans parachute, dans l’estime de Fils. L’accent délicieux et la gentillesse innée des gens du Nord. #DeT qui conduit la barque électrique telle un Skipper, sous le regard admiratif de sa famille. Les regards de complicité, les sourires, les silences délicieux. Fils qui tient les mains de ses parents dans les siennes. Le chevreau qui n’en peut plus d’avoir mangé des fleurs de troène. La randonnée intitulée « Le soleil de Satan », qui fait moyennement envie. Le « détour chasse » d’une autre randonnée, intriguant. Un arrêt dans les marais, à regarder les bernaches bernacher.

Une simplicité idéale

L’une des forces principales des sept vallées, c’est cette simplicité qui transpire partout. Du fait d’une nature emblématique, nul besoin de se lancer dans des démarches interminables pour profiter : un coup de fil pour vérifier, une carte pour se repérer, des chaussures pour avancer, un sourire pour enjoliver. Il n’y a qu’ouvrir les yeux, pointer du doigt et avancer à son rythme, aussi doucement que nécessaire, aussi lentement que possible. Au gré des chemins, on découvre des maisons fameuses, encore probablement hantées par le spectre d’un écrivain nostalgique : en ces lieux vint Georges Bernanos, devenu emblématique représentant de Fressin.

De loin en loin, quelques rares cimetières militaires, quelques calvaires au détour d’une route. Ici et là, des musées qui parlent le terroir, les mains ouvrières, pour relier hier à aujourd’hui. Dans les villes, les foules s’affairent autour du marché, les habitués se hèlent aux terrasses et invitent (presque) à se joindre à eux. Les offices de tourisme accueillent avec sourire, renseignent, orientent. Je me laisse tenter par une bière de cette brasserie. Et puis de celle-ci, tant qu’à faire, puisqu’on est là !

Entre petites villes, grands villages, bourgs et hameaux, c’est le cœur d’une France rurale, tranquille, qui bat ici. Je me surprends à délaisser mon téléphone, à ne pas allumer l’ordinateur, à me reconcentrer sur quelques essentiels que je devrais pourtant grapiller à pleines mains dès que possible.

Bref, en des temps étranges, nous plongeons profondément dans une normalité qui fait un bien fou. Et rien que pour cela, les Sept Vallées mériteraient une statue !

Aparté filial et photographique

Fils tenait absolument à ce que je partage, ici et maintenant, des photos de ses ami.e.s de la (petite) ferme où nous avons passé notre séjour (chez Florence et José, au Puits des Gardes, mille et mille fois recommandé). Je vais laisser charitablement de côté les photos des dindons pour vous offrir la douceur des chèvres !


Le Ternois en famille : un ch’ti guide

D’Azincourt à Fressin : le Ternois historique

Azincourt, 1415 : les armées françaises se font violemment démonter la tête par les anglais. C’est court, violent, ça fait partie intégrante de la fameuse Guerre de cent ans (qui a duré réellement 116 ans mais c’est une autre histoire) et ça justifie totalement de se rendre sur les lieux pour tout apprendre sur ladite bataille.

Le centre historique d'Azincourt

– Le musée Azincourt 1415

Situé à une poignée de kilomètres du site de la bataille (du champ, donc), le musée Azincourt 1415 m’a assez remarquablement surpris. Bien que d’une taille relativement petite (trois salles dont une circulaire dédiée à la projection d’un film retraçant le déroulement guerrier), il est très bien organisé, avec des éléments interactifs modernes et très adaptés aux enfants. Ici, pas de vitrines poussiéreuses avec des étiquettes absconses mais des écrans, des objets à manipuler et des informations accessibles, faciles à intégrer et à contextualiser. Il faut simplement prendre le temps de naviguer à son rythme, pour ne rien rater de la richesse globale du contenu présenté, surtout en gardant en tête que ledit contenu couvre une large période et ne se cantonne pas à la seule bataille d’Azincourt.

Le film projeté (alternativement en anglais et en français) apporte une visualisation bienvenue (attention pour les plus jeunes, même si on ne voit pas de sang, certaines séquences peuvent être impressionnantes car sans équivoques). Ceux qui connaissent le musée de Waterloo pourront avoir un élément de comparaison fiable en terme de qualité (mais pas de grandeur, évidemment).

Il y a également des expositions temporaires : celle du moment (gratuite) concerne la mode au Moyen-Âge.
Bilan personnel : très sympa mais peut-être un petit peu cher !

Le centre AZINCOURT 1415 est ouvert toute l’année de 10 heures à 18 heures 30 (sauf le mardi). Billet adulte à 9€ (7€50 réduit), enfant (de 6 à 17 ans), 6€. Tarif famille à 25€ (deux adultes et deux enfants). Gratuité moins de cinq ans.

Site officiel

– Le circuit Azincourt 1415

En complément de la visite du centre historique, il est possible de parcourir un circuit d’environ quatre kilomètres pour explorer les alentours du champ de bataille. Vous passerez par Maisoncelles et avec divers arrêts (églises, base détruite de V1, tour panoramique, stèle commémorative…). S’il ne reste bien évidemment plus aucune trace concrète de la bataille, cela permet cependant de se faire une vraie idée des lieux (et d’en apprendre encore un peu plus), tout en jouant à repérer les archers et guerriers en bord de route !

ATTENTION : en l’absence d’infrastructures piétonnes spécifiquement dédiées, je déconseille de faire ledit circuit à pied avec des enfants, étant donné qu’il faut longer des routes . Préférez le vélo (ou la voiture).

[Soit dit en passant]

Si vous êtes fan des champs de bataille de la Guerre de Cent ans, vous pouvez aussi aller voir celui de Crécy (où les français ont aussi perdu, d’ailleurs). On y trouve également une tour panoramique (attention en traversant la route depuis le parking) et un centre historique (que je n’ai pas encore visité mais qui est au programme).

– Le château de Fressin

Pas la peine de vous le cacher : je suis un amoureux des vieilles pierres, des bâtisses de jadis dont les ruines majestueuses défient encore le temps. Que ce soit dans les Hauts-de-France, du côté des Tours de Merle ou encore à Crussol, je fonce dès que je vois un château à visiter. Dès lors, lorsque nous avons appris qu’il y en avait un à Fressin, d’un fort beau gabarit et totalement moyenâgeux, nous avons foncé (et nous ne l’avons pas regretté).

Sis en la riante cité de Fressin (donc), le château-fort se visite sous la forme d’un circuit fléché et numéroté. On passe au pied des ruines du donjon, on descend au pied des tours, on emprunte des jardins d’Eden et du Diable, le tout en plein air et avec de vastes espaces où il fait bon s’assoir. Le plan distribué remplit totalement son office et répond à toutes les légitimes questions que le visiteur curieux peut se poser. Les ruines sont belles et imposantes, l’accompagnement photographique tout au long de la visite vraiment pertinent et on trouve même une petit exposition temporaire dans les bureaux de l’accueil.

Bref, si je rajoute qu’il est possible de faire la visite déguisé.e (1€ pour la location du costume), qu’il y a une salle de jeux au pied du château (avec un Puissance Quatre géant) et que la foule ne semble pas se presser de par ici, vous comprendrez que ça a été un sans-faute !

Le château de Fressin est ouvert « normalement » du 1er avril au 30 septembre , du mardi au dimanche de 13h30 à 18h30. L’entrée adulte coûte 4€50, 3€ pour les enfants et TR. Gratuité à partir du 3ème enfant. Petite boutique à l’accueil, avec ventes de glaces et boissons. Accueil très sympathique.

Site officiel

Le Ternois façon nature

En période de chaleur intense, quoi de mieux que d’aller chercher fraicheur, ombrage et quiétude en les nombreux sites ouverts à la visite dans les 7 vallées ? Durant notre court séjour, nous avons visité deux jardins (aussi différents que magnifiques et qui valent, l’un et l’autre, définitivement le détour) et (brièvement) un marais. Petit retour détaillé !

Le Château Flore à Humerœuille

Une gentilhommière de famille, toute droite venue de 1717 et d’un capitaine des Dragons de Louis croix-vé-bâton, voilà qui pose son décor : c’est ici que se trouvent les jardins du Château-Flore d’Humerœuille ! Dans un domaine privé de deux hectares entretenu avec un amour plus que visible, une longue et belle promenade hydrangéale avec, en point d’orgue, un tortueux labyrinthe de charmes (qui fait le bonheur des grands et des petits). L’accueil est chaleureux, la balade teintée d’une certaine poésie et le ballet des abeilles au-dessus de la lavande offre une conclusion aussi superbe que la perspective sur la demeure !

Le Château Flore est ouvert au public du 30 juin au 30 septembre, les vendredi, samedi, dimanche, lundi (et jours fériés), de 10 heures à midi et de 14 heures à 18 heures. Le prix d’entrée est de 5€. La demeure, classée Monument Historique (depuis 2013) ne se visite pas. Fête annuelle (avec vente de plantes, brocantes, salons de thé, activité enfant, restauration…) en juin.

Site officiel

A noter, à proximité immédiate du Château, la présence d’un mystérieux panneau à propos de « La route des Tanks britanniques – (lien PDF) » que je n’ai pas approfondi mais qui devrait intéresser les amateurs de tanks britanniques (forcément).

Les jardins de Séricourt

Si je vous dis que les jardins de Séricourt sont peut-être les plus beaux jardins que j’ai visité en France, me croirez-vous sur parole ? Evidemment labellisés « Jardins remarquables », ces jardins sont un passage obligatoire de la région (et je pèse mes mots). Le travail effectué ici, pour créer des univers végétaux cohérents et variés, est fou. La balade, qui peut prendre une journée entière, passe par 29 points, pour autant de décors différents. D’une armée à une mer en passant par des soldats, des sentiers, un chemin de l’infini ou encore une cathédrale de roses : il serait vain de vouloir tout écrire, tout décrire, tout gâcher. Je vous dis simplement ceci : allez-y !

Le billet adulte est à 9€50, 4€50 pour les enfants de 6 à 16 ans, gratuit en-dessous de 6 ans. Horaires et dates de visibles à vérifier en ligne avant votre visite. Forfait jeu, famille, pass familles et pass saison à découvrir en même en ligne. Petit salon de thé sur place, pique-nique possible. Présence de chats coquins et calins.

Site officiel

Le marais de Conte

Un arrêt totalement imprévu, plus ou moins au milieu de nulle part mais qui m’a fait inexplicablement de l’œil. Cela semble être une zone très appréciée des pêcheurs et des bernaches, qui règnent en maitre sur les lieux. Plusieurs itinéraires de balades sont possibles, à condition de bien naviguer entre les nombreuses déjections volatiles qui parsèment le sol. Il n’empêche, qu’au crépuscule, c’est un régal de voir le soleil se refléter sur les eaux paisibles des lieux !

La pêche pratiquée sur le site du marais de Conte est du NO KILL. Autrement dit, on n’y tue pas les poissons pêchés. Pour le reste, j’avoue n’avoir pas tenu une canne depuis le Pechistan donc…

Site officiel

Pour aller plus loin

Pour découvrir toutes les informations nécessaires sur les 7 vallées du Ternois, une ressource principale : le site officiel de l’Office de Tourisme. Vous y trouverez tout ce dont vous avez besoin pour organiser au mieux votre futur séjour (et ces mots ne sont absolument pas sponsorisés) : activités, hébergements, restauration et tutti quanti ! N’hésitez pas à vous promener entre les différentes villes, de Fressin à Frémont en passant par Hesdin. Toutes différentes mais attirantes à leur façon. Et si vous voulez manger un chouette burger, allez Chez Amandine à Frévent, où se trouve également un moulin-musée. Les 7 vallées peuvent se parcourir de toutes les façons possibles, du vélo à la calèche en passant les pieds, la voiture (et le reste).

Le mot de la fin

Les sept vallées du Ternois sont une terre de lenteurs, qu’il faut prendre le temps d’explorer doucement, pour la savourer pleinement, sans se stresser, sans se presser : c’est là le coût du bonheur !