Je m’en souviens comme si c’était hier. Ce premier voyage en direction de la Bretagne. Blotti entre ta mère et moi, endormi la plupart du temps, tu étais terrifié par la voiture. Qu’est-ce que tu as pleuré, le temps de ces quelques kilomètres entre la Gare et la petite maison de tes grands-parents. Nous étions désemparés, surpris par la violence subite de ces cris, par leur intensité et leur force, toi que nous entendions si peu pleurer autrement. Voyager ensemble : c’était notre première fois.
Heureusement, tout est rentré dans l’ordre et nous avons pu passer de sublimes moments ensemble. J’ai même profité d’une éclaircie pour nous offrir notre première balade entre hommes, juste toi et moi. Je te portais serré fort contre moi, tu étais endormi, apaisé. J’étais en paix avec le monde et, pour la première fois depuis ton arrivée, j’avais l’impression d’être à ma place dans un univers maitrisé : celui de la balade, de la marche indécise, sans but ni objectif.
D’abord, voyager en France.
Plus tard, tu as découvert Marseille, le Perche, Dijon, Toulouse et le Pays Basque. Dans ton landau, ta poussette ou dans mon dos, tu as ouvert les yeux sur ces lieux dont tu ne te rappelleras surement jamais. Tu as joué avec ta grande sœur dans un appart’hôtel bourguignon, tu as découvert les plantes carnivores en la cité occitane et tu t’es tenu debout, seul, pour la première fois un jour d’été sous le soleil d’Euskadi. Avec à peine une année au compteur, tu connais déjà l’avion, la voiture et le train et il me semble que chacun de ses voyages est une occasion unique, pour toi, de distribuer encore plus de tes merveilleux sourires, de faire résonner ton rire innocent qui monte si haut dans l’air, d’offrir une ration de bonheur gratuite et éphémère à ceux qui ne demandent rien.
Demain, voyager en Europe.
D’ici quelques mois, c’est vers l’international que nous allons nous diriger. Une trilogie low-cost née de ma frénésie voyageuse. Il est temps, grand temps même, pour toi, moi, nous de partir à l’assaut de l’Europe. Tu vas donc pouvoir marcher (littéralement) sur les traces de tes parents à Édimbourg l’écossaise. Tu vas pouvoir découvrir Venise la belle au cœur de l’hiver, pour un spectacle que j’espère unique et enneigé. Tu vas également pouvoir exercer ton accent anglais lorsque nous serons à Londres. Et qui sait ? Peut-être pourras-tu même, dès les prochaines vacances, explorer cette terre d’Irlande que j’aime et que je chérie tant.
Et ensuite ?
Je ne sais pas si tu aimeras le voyage comme je peux l’aimer. Je ne sais pas vers quoi se dirigera ton cœur et si tu aimeras partir, comme ça, du jour au lendemain, vers de nouvelles aventures. Ce que je sais par contre, en mon âme et conscience, c’est que le voyage est source de richesses, d’ouverture, de rencontres. Voyager, c’est un petit peu l’école de la Vie. Aller vers l’autre, s’ouvrir, s’interroger. Se sentir tout petit, infiniment grand, idiot, intelligent, bête, ébloui, abasourdi, charmé. Je veux que tu connaisses cette liberté que seule procure le voyage. Je veux que tu saches comment est ce monde dans lequel tu vas grandir. Je veux que tu voies, que tu sentes, que tu ressentes, que tu saches. Plus qu’une volonté, c’est presque un sacerdoce, un serment, un pacte entre moi et moi.
A une époque où le repli sur soi devient une arme de dissuasion massive, j’ai tellement envie de faire de toi un citoyen du monde, un être cosmopolite aux mille et une attaches. Aujourd’hui la France, demain l’Europe et après-demain ?
Quoiqu’il en soit et quoi que devienne ce monde,
Nous le verrons ensemble,
Mon fils.