Lettre à mon blog


Mon très cher Blog,

Aujourd’hui, tu fêtes ton treizième anniversaire.

Treize ans ! Tu imagines ?

J’ai du mal à croire que tu sois dans ma vie depuis si longtemps, toi qui ne devais, au départ, n’être qu’une éphémère expérience narrative d’une année, seulement le temps de raconter mon PVT au Canada, entre Yukon, Vancouver et Terre-Neuve.

Que de chemin nous avons parcouru, tous les deux, depuis cette soirée de janvier 2009 où, dans ma chambre du 14ème arrondissement, j’ai acheté ton nom de domaine, installé mon premier WordPress et écrit mes toutes premières lignes ici, avec un article au nom prémonitoire : The neverending story . Comment aurais-je pu me douter qu’il allait être le premier d’une série de 935 ? Comment pouvais-je savoir, que le 16 janvier 2021, soit 4745 jours plus tard, dans mon fauteuil amiénois, je serai en train d’écrire le 936ème ?

C’était juste impossible, en fait. Et d’ailleurs, quand je repense à tout ça, strictement rien ne pouvait, ne laissait penser à une telle longévité. Rien que ton nom te condamnait presque : Voyage Yukon (sous-titré : les errances canadiennes d’un PVTiste francilien). J’aurais du, avec le recul, choisir un nom beaucoup plus ouvert, qui ne te réduisait pas au seul Yukon mais ce qui est fait n’étant plus à faire, j’ai depuis longtemps laissé les regrets derrière moi.

Je me souviens de cette première année de blogging. J’écrivais presque chaque jour, à propos de tout et de n’importe quoi, quasiment sans aucune restriction éditoriale. Quand j’avais envie d’écrire, j’écrivais, que ce soit des articles de trois lignes ou des pavés approchant (déjà) les mille mots. Et le pire, c’est que j’y prenais un plaisir fou, à raconter tout ça, à surveiller les commentaires, à coucher les mots, à chercher les tournures. Et puis l’année est passée et, un soir, dans ma coloc’ de Terre-Neuve, il a fallu que je me décide : est-ce que je te renouvelais pour une année ou bien est-ce que, au contraire, j’allais te laisser mourir de ta belle mort, la plus logique possible, pour que tu puisses rejoindre le cimetière 2.0 des blogs d’expats ?

La réponse, vous la connaissez : chaque année depuis cette première fois canadienne, j’accomplis le même rituel. Je sors ma carte bleue et paie mon écot. Je suis resté longtemps fidèle à mon hébergeur historique mais un rachat et une baisse drastique de la qualité de service m’ont conduit à te déménager pour la première fois de notre histoire. J’en ai même profité pour t’offrir une nouvelle identité et te rhabiller de A à Z, avec un thème entièrement conçu, travaillé, façonné par moi-même (et j’en fais presque encore des cauchemars).

Entretemps, entre ces deux bornes temporelles, ils s’en sont passées, des choses ! Tu m’as suivi pendant mon second WHV, à l’autre bout du monde, en Nouvelle-Zélande, alors que je t’avais totalement délaissé pendant mon hiver en Maurienne. Tu as été à mes côtés lorsque j’ai choisi de tracer mon propre chemin, en décidant de vivre de ma plume. Tu as hébergé mes pensées paternelles, toutes mes réflexions sur le voyage, le tourisme. Tu as été ma première vitrine professionnelle, mon premier support éditorial et c’est toi que je montre souvent quand on me demande ce que je suis capable de faire avec un clavier, un sujet et un calibrage précis. C’est avec toi que j’ai façonné ma manière d’écrire, que j’ai appris à éclaircir, à élaguer, à développer, à sourcer, à mettre des mots sur des pensées, des idées, à raconter, à narrer. Bref, tu étais, tu es et tu resteras mon terrain de jeu favori.

D’ailleurs, parmi tous ces articles, il y en a certains dont je suis vraiment fier, que j’adore ressortir de temps en temps, que je relis moi-même avec des frissons, des rires ou de l’incrédulité : Le dos sonne au festival (extrait de l’épique roadtrip de l’été 2009, en neuf épisodes !), Attention, des parcs imminents (à propos des parcs américains), Mon PVT, écrit au crépuscule de mon année canadienne, Un enfant en 1900, Pourquoi faire un PVT ?, Une certaine idée (à propos du voyage), L’éternité (et un muffin, s’il vous plait), 7 mois et 3 jours : un WHV achevé, La patrouille perdue, Voyager moins pour voyager mieux, Comment trouver son chemin à l’étranger ?, La lettre d’un poilu à la veille de sa mort, Un barbu en bord de route (à propos de l’autostop), Across the USA (l’un de mes préférés absolus), L’enfer de la Dempster, Colors of Aberdeen, Dix (vrais) conseils pour trouver du travail au Canada, Quinze (bonnes) raisons de ne jamais créer un blog voyage (celui-ci a battu des records de fréquentation, j’en rigole encore), Voir Vulcano (et y vomir), Le Québec n’est pas la France (à propos du PVT canadien), J’aurais aimé ne pas naitre parisien, Par le hublot de mon avion, comment deux loutres mortes ont changé ma vision du monde, Sur mes traces (pensées du Nunavik), Nous sommes tous des voyageurs, Le plus beau de tous les voyages, le voyage 2.0 rend-il con (et c’est une vraie question), Seul sur la Chaussée, Tara : when we were Kings, Pourquoi vous ne verrez jamais la tête de mon fils sur Internet, l’Urgent ne fait pas le bonheur, E qui è Venezia, S’emerveiller (ou pourquoi il ne faut jamais banaliser l’exceptionnel), Berlin, le tourbillon de l’Avide, Voyager en 2050, L’été 1970 (en souvenir de ma mère), La Thiérache, là où rien et rien font tout, La quête illusoire de la perfection paternelle, Les carnets du Portugal, Les deux enfants, Au nord, il n’y a pas que des corons, Reykjavik, la cité bicéphale, Opération Pechistan, Les bouts du Monde, Deux pères et deux fils, Tourisme : pourquoi attirer moins pour attirer mieux, De Joséphine à Victorine et Au travers d’un enfant.

Et puis, il y a tous ces inattendus fabuleux que tu m’as offert au fil des années : ma première parution dans un livre, des opportunités de voyages aux quatre coins du monde, des étendues désertiques du Chili aux confins glacés du Nunavik en passant par les routes de France, de Navarre et d’Europe. Ces rencontres aussi, de lecteurs curieux, de lectrices futures expatriées, de voyageurs rencontrés sur le virtuel puis en réel, des professionnel.les voulant en savoir plus. Je pourrais parler d’un muffin à Sligo, d’un café à Guimarães, d’un pot de miel déposé à Whitehorse, d’un reportage dédicacé dans un magazine, de cadeaux reçus, de conseils donnés.

Cette dimension humaine est, puisque j’en parle, proprement fabuleuse. Tu sais que tu as la chance d’avoir des gens qui viennent te visiter depuis la toute première heure ? Des personnes qui suivent nos aventures depuis le début, qui voyagent, grandissent, vieillissent à nos côtés ? Te rends-tu compte que c’est exceptionnel, tout cela ? Cette fidélité au fil des années ? C’est peut-être ce dont je suis le plus fier, si on devait me demander. De recevoir ces petits mots, ces courriels, ces remerciements. D’avoir la sensation d’être utile, d’avoir aidé, apporté – ne serait-ce qu’une seule fois – quelque chose de concret à quelqu’un.

Par contre, au milieu de toutes ces louanges, je dois aussi te dire que, parfois, tu me saoules d’une façon infinie. Quand tu bugues, que ta base de données fait sa rebelle, que tu te fais pirater. Je me rappelle quand j’ai découvert la tronche d’un tyran syrien en lieu et place de mes articles, un matin en Nouvelle-Zélande. Quand je suis tombé sur des liens vérolés soviétiques. Quand j’ai dépassé mon quota de fichiers et que j’ai du bidouiller depuis un FTP installé sur mon téléphone, depuis un parking de supermarché irlandais. Et ces fois où la sauvegarde n’a pas marché et que j’ai perdu des heures et des heures de boulot ? C’est ainsi que j’ai appris à être méfiant et à ne pas totalement te faire confiance. Que j’ai découvert les à-côté, les redondances de sauvegarde, les requêtes MySQL et la restauration des fichiers. Pour autant, chaque fois, j’ai réussi à résoudre le souci, à comprendre l’erreur, en mettant mes doigts dans le cambouis, en tripatouillant encore et encore. Ce qui fait que ce qui parait insurmontable à certain.e.s me parait parfois d’une simplicité enfantine : parce que je suis déjà passé par là.

Le temps passe et la fin de cette lettre approche. Du coup, comment conclure cette missive qui t’es destinée ?

En te disant merci, bien sur.
En te souhaitant de t’avoir encore longtemps à mes côtés.
En te disant que j’ai hâte de raconter de nouvelles aventures, de nouveaux voyages.

Bref, je te souhaite un joyeux treizième anniversaire, mon blog !

PS : Et si vous avez envie de me/vous faire un cadeau, n’hésitez pas à passer par la boutique (ou encore le bar, pour une bière ou un café.).